Le conflit du Tigré se termine après deux ans de guerre en Éthiopie. Dans les relations internationales, mais surtout en géopolitique, le monde, en sa 3ème mondialisation, souffre de réels conflits régionaux. L’Afrique ne semble pas épargnée par ces guerres locales et internes, comme le démontre actuellement et depuis quelques temps l’Éthiopie.
La guerre du Tigré : mise en contexte
En effet, les conflits armés au sein même d’un État n’apparaissent plus comme rares au XXIème siècle. Ce pays d’Afrique subit une guerre entre une de ses régions, le Tigré, et son Gouvernement. Le motif ? Des revendications indépendantistes de la part de ce peuple au cœur des montagnes éthiopiennes. Le TPLF, le Front pour la Libération du peuple du Tigré, créé en 1975, milite de facto contre la légitimité du pouvoir souverain. En réalité, ce peuple ne reconnaît pas ce Gouvernement dirigeant le pays. La région conflictuelle défend ainsi son autonomie, et est donc entrée en guerre civile.
Ainsi, au vu de ces éléments, de quelles manières cette guerre civile démontre-t-elle une véritable démonstration de revendication d’indépendance et comment ce conflit est-il géré ?
Une revendication symbolique depuis plusieurs décennies
Il est courant d’imaginer des conflits intra-étatiques pour des revendications de ressources naturelles, à savoir l’or, les mines ou encore le pétrole. Néanmoins, certaines guerres, surtout civile, démontrent bien une volonté de s’affirmer plus que de contrôler un territoire pour ses richesses.
En effet, la région du Tigré semble définitivement mal isolé pour bénéficier de tout cela. Logée dans les montagnes, sans véritables ressources recherchées et convoitées, on ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un conflit matériel. En revanche, cette guerre civile démontre un réel enjeu symbolique. Il s’agit ainsi d’un conflit armé sous fond de guerre militaire et de volonté de pouvoir.
Pour comprendre les enjeux géopolitiques de ce conflit, il convient de revenir aux origines de la force régionale du Tigré. Dans les années 1970, soit en pleine Guerre Froide, le Gouvernement provisoire issu du socialisme éthiopien tente de s’imposer dans un contexte fragile à l’international. Pour contrer cette montée en puissance du pouvoir marxiste, le mouvement du TPLF n’hésite pas à s’impliquer dans la lutte militaire de ce parti politique s’emparant de la souveraineté nationale. Ainsi, bien que cette région compose seulement 6% de la population d’Éthiopie, cette dernière voit le TPLF gravir les échelons jusqu’à prendre totalement le pouvoir, et ce, plusieurs années successives. Bien après la Guerre Froide, en 2012, le dirigeant Méles Zenawi, membre de ce mouvement du Tigré, décède. Il a été le précurseur de cette domination politique nationale. Lorsqu’il s’éteint, le mouvement perd de ce fait le pouvoir national.
Le déclenchement de la guerre civile : l’arrivée d’un nouveau Ministre en 2019
En 2019, un nouveau dirigeant arrive à la tête du pouvoir éthiopien. Il s’agit de Abiy Ahmed, un prix Nobel de la Paix qui tente de façonner un pays sans guerre et sans conflit. Cependant, en arrivant au pouvoir, ce nouveau dirigeant met d’office le TPLF dans une situation de camp d’opposition. De plus, le TPLF est resté de nombreuses décennies à la tête de l’État. Mis de côté, le mouvement ne décolère pas et reste fixé sur ses objectifs : rester, au moins, un Gouvernement régional. Dès 2019, en pleine pandémie du Covid-19, ce mouvement décide dès lors de réaliser ses propres élections, tandis qu’Abiy Ahmed a remporté celles du pays. Ainsi, un nouveau Gouvernement non-officiel se forme dans la région du Tigré. L’enjeu devient important : en aucun cas l’Éthiopie est un État fédéral, c’est-à-dire un pays avec plusieurs États fédérés (dirigés) par un pouvoir national (comme les États-Unis, par exemple). Dès lors, ce Gouvernement ne peut, selon le nouveau dirigeant, se faire valoir au sein du régime éthiopien.
Des conséquences nationales et internationales ?
La guerre du Tigré : un conflit national
Le fait de voir une opposition prendre autant d’ampleur au niveau politique démontre bien une situation étatique fragilisée de régions en régions. En effet, le mouvement du Tigré ne semble pas s’atténuer. Ces derniers ne veulent pas être mis de côté au Gouvernement alors même qu’ils ont dirigé le pays et sorti le marxisme de l’État pendant la Guerre Froide. Les conséquences deviennent ainsi dramatiques. Effectivement, un conflit a réellement lieu au sein du territoire national. L’armée éthiopienne affronte depuis quelques temps les forces du Tigré, démontrant une réelle guerre à l’intérieur même du pays.
Enfin, une conséquence juridique/gouvernementale fait son apparition. Le Premier Ministre souhaite, en effet, mettre « sous tutelle » cette région, et ce, jusqu’aux prochaines élections, afin de ne pas perturber cet acte citoyen.
Enfin, en termes de conséquences, la population risque de souffrir davantage. En effet, environ 10% de la population du Tigré dépendent des aides alimentaires de l’État. Si la région devient indépendante, plus aucune aide ne sera apportée à la population souffrant de la famine. Malgré la demande du cessez-le-feu, la région subit des retards et il semble impossible de combler tous les habitants sous le seuil de pauvreté.
Néanmoins, la région du Tigré ne reste pas seule dans ce combat La région voisine, Amhara, souhaite aider le mouvement afin de combattre le Gouvernement.
Un conflit au-delà des frontières ?
Cet État ne semble pas pouvoir contenir une guerre civile d’une telle ampleur. On parle même d’une déstabilisation des pays alentours.
Tout d’abord, il faut savoir que l’Éthiopie s’implique énormément dans les pays frontaliers ou voisins. La Somalie est un parfait exemple de cette implication militaire. En effet, l’Éthiopie souhaite retirer pas moins de 600 de ses soldats depuis la frontière de la Somalie. Cela entraînerait un impact conséquent pour la corne d’Afrique. Alors que l’Éthiopie détient une force économique et une démographie très intéressante face au reste du continent, cette démonstration de la faiblesse du Gouvernement donne un énorme coup dur à cet État nation face au reste du monde.
Une fin de conflit conclue sur un accord
Le Gouvernement éthiopien et le TPLF ont enfin conclu, le 2 novembre 2022 à Pretoria, un accord concernant la fin des hostilités. Ils partent également sur un désarmement qu’ils jugent méthodique. L’avenir dira à cette région africaine si l’accord reste stable ou non. Dans le cas contraire, les violences pourraient reprendre sans tarder. La précarité se creuserait encore plus et le nombre de victimes pourraient encore augmenter.
Ainsi, il convient de comprendre ces deux ans de guerre. À l’origine, cette simple non-reconnaissance du Gouvernement actuel a réussi à propager une réelle guerre dans l’État éthiopien. Aujourd’hui, il reste donc tout à reconstruire, notamment pour mettre à l’abri des centaines de milliers de ménages sous le seuil de pauvreté.