L’architecture internationale pour la lutte contre le changement climatique

Sommaire

La lutte contre le changement climatique intéresse de par ses enjeux et ses limites. Comprenons les notions et les acteurs impliqués dans cette thématique.

Qu’est-ce que le changement climatique ?

Le changement climatique expliqué

Qu’est-ce que le changement climatique ?

Lorsque le Soleil émet un rayonnement solaire (ensemble des ondes électromagnétiques émises par le Soleil), la surface de la Terre réfléchit une partie du rayonnement qu’elle a reçu. Certains gaz comme le dioxyde de carbone, le méthane ou le protoxyde d’azote sont dits à effet de serre, car ils ont la capacité de retenir les rayonnements infrarouges (contenus dans le rayonnement solaire) réfléchis par la Terre, ce qui a pour effet de réchauffer la planète. Ce processus se nomme l’effet de serre et est parfaitement naturel.

Cependant, l’avènement de la révolution industrielle a marqué un tournant. Les activités humaines ont progressivement commencé à libérer des gaz à effet de serre. On peut nommer la combustion d’hydrocarbure, la déforestation, l’agriculture intensive etc… Ces gaz s’accumulent dans l’atmosphère de par leur faible inertie et viennent s’additionner à l’effet de serre naturel, par exemple, la concentration en CO2 dans l’atmosphère à la fin du XIXe siècle était de 270 ppm (parties par million), en 2023, elle a atteint 421 ppm1 (concentration la plus forte depuis au moins 800 000 ans).

Cette concentration de gaz à effet de serre provoque un réchauffement climatique, ce phénomène désigne une modification du système climatique global, rapide à l’échelle de son évolution normale, provoquée par un forçage entropique2.

Les conséquences sur la planète

Les conséquences de cette augmentation sont multiples :

  • Le réchauffement de la température moyenne de la planète. Il est compris entre 2°C et 5°C dépendant de la réduction des émissions de gaz à effet de serre mondiales dans les années à venir ;
  • l’élévation du niveau de la mer qui est principalement dû à la fonte de l’Arctique (le taux moyen d’élévation de l’océan est aujourd’hui de 3,2 mm par an3) ;
  • le changement des modèles de précipitations. Certaines régions subiront des pluies intenses génératrices d’inondation, d’autres des sécheresses prolongées et plus fréquentes ;
  • l’acidification des océans. Les océans ont absorbé environ un tiers du CO2 généré depuis la révolution industrielle. Les conséquences restent encore méconnues car étudiées depuis peu. Il s’agit d’une modification brutale de l’écosystème de l’ensemble de la vie marine.

Les acteurs et événements pour la lutte contre le changement climatique

Le Groupe d’Experts Intergouvernementale sur l’Évolution Climat (GIEC)

La première pierre apportée à l’édifice de l’architecture internationale pour la lutte contre le changement climatique fut celle du Groupe d’Experts Intergouvernementale sur l’Évolution du Climat (GIEC). Avant 1980, l’idée d’un sommet international sur le climat demeurait vaine. L’émergence d’une coopération sur ce sujet fut permise grâce à un long travail de lobbying de la communauté scientifique. En 1988, alors que la nécessité de synthétiser les travaux scientifiques sur le sujet à l’intention des décideurs se montrait cruciale, le GIEC est créé à la demande du G7 et sous l’égide du Programme des Nations Unies pour l’Environnement et de l’Organisation Météorologique mondiale.

Le GIEC est une organisation intergouvernementale hybride : à la fois scientifique et politique, il ne mène pas de recherches scientifiques. Il compile l’entièreté de la littérature scientifique sur le réchauffement climatique afin de la synthétiser en trois rapports. Chaque rapport se voit conclu par un groupe distinct. Le groupe étudie 1 les principes physiques et écologiques du changement climatique. Le groupe 2 instruit sur les impacts, la vulnérabilité et l’adaptation au changement climatique. Enfin, le groupe 3 étudie les moyens d’atténuer le changement climatique. Avant de synthétiser les trois rapports en un condensé vulgarisé destiné aux décideurs politiques, ces derniers sont soumis à un processus de validation à la fois politique et scientifique. Cela garantit que les rapports seront considérés comme une base de travail valable et crédible pour tous les gouvernements.

Le Sommet de la Terre à Rio / CNUED

Le Sommet de la Terre à Rio ou la Conférence des Nations Unies sur l’Environnement et le Développement (CNUED) se déroule en juin 1992 à Rio de Janeiro. Il réunit 175 États et plus de 17 000 militants écologistes. Il reste le plus grand sommet international sur l’environnement de l’époque. Le sommet a donné naissance à une déclaration :

  • Un programme d’action ;
  • la Déclaration de Rio (donnant une définition officielle à la notion de développement durable) ;
  • le Programme Action 21 (servant à la mise en œuvre du développement durable) ;
  • la Convention des Nations Unies sur la Biodiversité ;
  • la Convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification ;
  • la Convention-Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.

La Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC)

Les nouveaux domaines du droit international donnent en général naissance à de nouvelle techniques juridiques. C’est un constat qui se confirme avec le droit international de l’environnement.

Apparition et objectifs pour la lutte contre le réchauffement

Apparu au début des années 70 en réaction à la globalisation des crises environnementales, le droit international de l’environnement fut constitué en grande partie via les traités-cadres. Le traité-cadre est un instrument juridique utilisé afin d’échelonner dans le temps la création des normes, un an après la signature de la Convention des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) en 1992, Alexandre Kiss nous propose la définition suivante « instrument conventionnel qui énonce les principes devant servir de fondement à la coopération entre les États parties dans un domaine déterminé, tout en leur laissant le soin de définir, par des accords séparés, les modalités et les détails de la coopération, en prévoyant, s’il y a lieu une ou des institutions adéquates à cet effet »4.

La CCNUCC est le tout premier accord international sur le climat. Elle est le fruit d’un processus de négociation entamé en 1990 lors de la publication du premier rapport du GIEC. Elle s’achève en 1992 lors du Sommet de la Terre de Rio de Janeiro. Son objectif décrit dans son article 2 est la stabilisation de la concentration atmosphérique des gaz à effet de serre à un niveau qui préviendrait toute interférence anthropique dangereuse avec le système climatique.

Une réduction d’émission de gaz à effet de serre oubliée dans la lutte climatique

La CCNUCC n’inclut pas d’objectif quantifié de réduction d’émission de gaz à effet de serre. Elle impose uniquement aux États signataires de fournir chaque année un inventaire de leurs émissions. Cela reste dans le but de former une base pour calculer les futures réductions d’émissions). Les obligations générales formulées sont appelées à être complétées à l’avenir par une série d’annexes.

L’article 3 de la CCNUCC instaure un principe déterminant pour l’avenir des négociations climatique. Il s’agit du principe de responsabilités communes mais différenciées. Il prévoit que tous les Etats ont la même responsabilité protéger l’environnement. En revanche, responsabilité doit être assumée d’une manière proportionnelle à leur contribution historique et actuelle à la dégradation de l’environnement.

Limites de cette convention cadre contre le réchauffement climatique

Dans le cadre de ce principe, la convention divise les pays industrialisés (qui doivent à l’avenir fixer des objectifs de réduction d’émission chiffrés) des pays en développement à qui cette obligation ne s’impose pas. La convention prévoit également une aide aux pays en développement en provenance des pays de l’OCDE. Cela apparaît sous forme de transferts financiers et technologiques afin de les aider à réduire leurs émissions et à s’adapter aux impacts du réchauffement climatique. Cette aide financière a longtemps été un aspect conflictuel des négociations. Par conséquent, les modalités de leur mise en place ne seront décidées qu’en 2007. Enfin, la CCNUCC est le traité instituteur de la COP (Conférence des Parties), la réunion annuelle des Etats partis à la convention pour faire le point sur l’avancée des objectifs climatiques.

La CCNUCC ne fut pas considérée comme un aboutissement des discussions internationales sur la lutte contre le réchauffement climatique. Elle apparaît leur point de départ et leur cadre de référence, elle devait être complétée par un protocole additionnel qui quantifierait les objectifs de réduction d’émission des différents Etats.

Conférence des Parties (COP)

La CCNUCC a instauré le principe de négociation permanente.

Définition et objectifs

Les COP sont un processus permanent, en constante évolution et sans point d’arrivée identifié. Le changement climatique est un phénomène qui s’étale sur plusieurs millénaires. La première Conférence des Parties (COP) s’est tenue à Berlin en 1995. Les négociations ne se sont donc jamais interrompues depuis. L’avantage offert par le principe de négociation permanente est la mise en lumière des intérêts nationaux. On observe aussi de négociation en négociation que les délégations cernent davantage leurs intérêts mutuels ce qui contribue à construire un climat de confiance.

Aujourd’hui, la COP rassemble plusieurs milliers de participants (plus de 100 0005 lors de la COP28), des militants, des chercheurs, des entreprises privées, des médias et des scientifiques (disposant de la plus grande influence) qui seront présent durant les deux semaines du sommet. Les négociations sont entamées par les différents experts nationaux. Les dirigeants politiques arrivent en général lors de la deuxième semaine dans le but de décider des arbitrages et de signer un accord final s’il y en a un.

Les négociations sur le climat exigent un haut niveau de compétence technique. Elles font l’objet d’un vocabulaire spécifique, cet aspect constitue un manque d’équité lors des discussions : là où les délégations des pays industrialisés sont constituées d’une multitude d’experts, celles des pays en développement ne sont pas assez grandes pour suivre l’intégralité des négociations. Cette problématique est fréquemment soulevée car mise à part l’appui de différentes ONG ou l’appel à des consultants extérieurs, aucune solution n’a été trouvé. Certaines délégations s’interrogent : comment un accord qui n’a pas été négocié équitablement pourrait être équitable ?

Mise en place des COP

Les États (acteurs centraux des négociations) se réunissent généralement en coalition lorsque leurs intérêts convergent afin de leur donner plus de poids. Les intérêts climatiques des différents États n’étant pas semblables à leurs intérêts stratégiques traditionnels, la plupart des coalitions formées ne correspondent pas aux alliances diplomatiques actuelles :

  • Le Groupe de l’Ombrelle (pays industrialisés et non-européens), composé des États-Unis, de l’Australie, du Canada, de l’Islande, du Japon, de la Nouvelle-Zélande, de la Norvège, de la Russie et de l’Ukraine ;
  • l’Union Européenne a formé une position commune, elle a ratifié en son nom la CCNUCC et l’Accord de Paris, ce qui permet à la Commission Européenne de siéger à la table des négociations ;
  • l’alliance des petits États insulaires (AOSIS) représente les intérêts des petites îles (comme Fidji, Nauru ou encore Haïti). Leurs émissions de gaz à effet de serre sont mineures mais il s’agit des pays les plus menacés par les conséquences du réchauffement climatique ;
  • malgré leur faible population, l’AOSIS regroupe un cinquième des États du monde. Il reste un acteur central des négociations. Cette coalition a permis l’inscription de l’objectif des 1,5°C dans l’Accord de Paris.

Le Protocole de Kyoto (1997)

Lors de la COP1 de Berlin en 1995, les parties adoptèrent le principe de la nécessité de réduction quantifiée des émissions des pays industrialisés, ce dernier fut à l’origine du Protocole de Kyoto de 1997 (premier traité climatique prévoyant des objectifs quantifiés de réduction d’émission de gaz à effet de serre).

Création du protocole

Le Protocole de Kyoto fut par conséquent fortement inspiré du Protocole de Montréal de 1987, puisqu’il s’agit du tout premier traité impliquant des objectifs quantifiés de réduction d’émission d’une substance x dans l’atmosphère, en l’occurrence les chlorofluorocarbones (CFCs) qui avaient pour effet de former un trou dans la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique.

La condition nécessaire à sa mise en œuvre était sa ratification par au moins 55 pays, représentant ensemble au moins 55% des émissions de gaz à effet de serre en 1990. En 1990, les Etats-Unis et la Russie représentaient plus de 45% des émissions de gaz à effet de serre. Le Sénat américain ayant voté la résolution Byrd-Hagel, la mise en place du Protocole de Kyoto ne reposait que sur la ratification de la Russie sans laquelle le protocole ne verrait jamais le jour.

Résolution Byrd-Hagel6 de 1997, votée par le Sénat américain à l’unanimité : […] « Les États-Unis ne devraient être signataire d’aucun protocole ou autre accord concernant la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 1992 » […]

La ratification du protocole pour la lutte climatique

Finalement, la Russie accepte de ratifier le protocole en 2004. Cela se fait en échange de deux conditions. La première était que l’Union Européenne devait soutenir la candidature russe à l’OMC (ce qui lui permit finalement d’y accéder). La deuxième concernait la comptabilisation des émissions à partir de 1990. L’intérêt de la Russie était que cette comptabilisation désavantageait les Etats ayant réduit leurs émissions avant 1990. On peut noter l’Allemagne par exemple. Elle avantageait ceux dont les émissions ont chuté après 1990. Cela reste le cas de la Russie suite à l’effondrement de l’URSS en 1991. Cela se fait au moment de l’entrée en vigueur du protocole, la Russie avait déjà atteint ses objectifs de réduction d’émission).

Le principal objectif du Protocole de Kyoto était la réduction des émissions de gaz à effet de serre des pays industrialisés (répertoriés dans l’Annexe I) à hauteur de 5,2% sur la période 2008-2012. Ll’objectif de 5,2% est une moyenne. Chaque Etat a son propre objectif en vertu du principe de responsabilités communes mais différenciées. Le chiffre 5,2 ne reflète pas l’objectif à atteindre pour mettre fin au changement climatique. Il reflète un compromis politique inséré dans un traité expérimental mus en place pour tester certains instruments et ouvrir la voie à un traité plus ambitieux.

Le Protocole de Kyoto : mise en place des mécanismes flexibles inédits contre le changement climatique

  • Le marché du carbone : une limite est imposée aux émissions de carbone. Les États qui en émettent dans des quantités inférieures à la limite autorisée ont le droit de vendre leurs surplus de quotas d’émissions aux États qui émettent dans des quantités supérieures à la limite.
  • le mécanisme de développement propre (MDP). les États de l’Annexe I peuvent financer dans un pays du sud un projet qui permettra à ce dernier de réduire ses émissions. En échange, l’État investisseur reçoit des « crédits d’émissions » correspondant aux émissions évitées grâce au projet, ces derniers seront déduits de ses émissions domestiques ;
  • la mise en œuvre conjointe (MOC). Elle est calquée sur le mécanisme de développement propre, mais l’investissement doit être effectué uniquement au sein des pays de l’Annexe I.

Fin 2011, le Canada, voyant qu’il ne parviendrait pas à remplir ses engagements, décida de se retirer du protocole, sans qu’aucune sanction ne soit imposée. En 2012, à la COP18 de Doha, un nombre limité de pays (représentant ensemble 15%7 des émissions) acceptèrent de s’engager dans une seconde période (2013-2020) là où des pays d’une importance majeure comme la Russie, le Japon, la Chine ou les États-Unis refusèrent de s’engager, ce qui marque la fin du protocole.

L’Accord de Paris

Les années 2011-2012 actèrent la fin du Protocole de Kyoto suite au retrait de la majorité des pays industrialisés. Elles ouvrent par conséquent la voie à un nouveau cycle de négociation devant aboutir à un accord global pour remplacer le Protocole de Kyoto. C’est le rôle qu’était censé jouer la COP15 de Copenhague en 2009. Cependant, elle fut considérée comme un échec étant donné que le nouvel accord ne fut pas accepté par l’ensemble des parties.

Malgré un accord sans statut juridique, le texte contenait pour la première fois dans une COP l’objectif de 2°C comme augmentation maximale de la température moyenne à la fin du siècle. Considérée comme la COP de la dernière chance, la COP21 de Paris débute en 2015. Elle apparaît dans un contexte de mobilisation générale de la société civile en faveur du climat (marche pour le climat en France, en Australie, au Bangladesh, en Nouvelle-Zélande, au Brésil, au Mexique etc…)

La lutte contre le changement climatique par les Accords de Paris

Suite à l’échec de la COP15 de Copenhague, l’Accord de Paris fait l’objet d’une approche inédite de la coopération internationale. Contrairement au Protocole de Kyoto rédigé dans une logique descendante, l’Accord de Paris est lui rédigé dans une logique ascendante : chaque Etat devait envoyer un document de synthèse (INDC) dans lequel il précisait ses engagements en matière de politique climatique et ses besoins en financement, les INDC formeront le socle de l’Accord de Paris.

Ce cycle de négociation aboutit à un accord international déterminé par des politiques nationales. On parle de renversement de la hiérarchie des normes. Cet accord reste donc une synthèse des différents engagements nationaux). L’intérêt de cette démarche permet revoir à la baisse les ambitions du traité. Cela donne lieu une assurance de sa ratification universelle. Il s’agit d’un élément indispensable au bon fonctionnement de ce dernier (en 2024, 195 pays ont ratifié le traité).

L’Accord de Paris se voit signé le 12 décembre 2015. Il a pour objectif de limiter l’augmentation moyenne de la température en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels. De plus, il permet aussi de poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5°C. Il y a cependant un fort décalage entre l’engagement collectif de l’accord (2°C et si possible 1,5°C) et la somme des objectifs nationaux indiqués dans les INDC. Ces derniers nous mèneraient à un réchauffement global de 3,5°C en 2100. L’Accord de Paris prévoit par conséquent que les objectifs indiqués dans les INDC devront être revus à la hausse tous les 5 ans. En revanche, il ne prévoit aucune garantie sur le respect de ces engagements.

Des faiblesses et des incohérences

  • Les États-Unis se sont assuré que l’accord ne contiendrait aucune formulation pouvant être interprétée comme impérative. Ils ont pour cela remplacé systématiquement les mentions de l’auxiliaire « shall » (obligation) par sa forme conditionnelle « could » (recommandation) ;
  • l’Arabie Saoudite s’est assuré que les énergies fossiles ne seraient pas mentionnées dans le texte. Malgré tout, leur combustion représente la majorité des émissions de gaz à effet de serre) ;
  • les petits États insulaires (AOSIS) se sont assuré d’y inscrire l’objectif des 1,5°C. Un réchauffement global de 2°C menacerait sérieusement les conditions de vie des nations insulaires. L’incohérence de cet objectif repose dans sa difficulté, en 2021 le budget carbone permettant de limiter à 1,5°C le réchauffement global était de 3258 Gt d’équivalent CO2, à titre de comparaison les émissions mondiales en 2021 ont atteint 37,49 Gt d’équivalent CO2 (soit plus d’un dixième du budget carbone).

Les fonds pour la justice climatique

L’émergence du changement climatique apporte son lot de nouvelles inégalités. Si le classement des plus gros émetteurs de CO2 dans l’histoire nous indique une omniprésence des pays occidentaux (à l’exception de certains émergents à forte démographie), l’actualité nous montre que les impacts du changement climatique se concentrent sur les pays les moins émetteurs. En effet, alors que l’occident possède une part de responsabilité indéniable dans les émissions historiques8, l’index de vulnérabilité de l’Université Notre-Dame (Etats-Unis) nous montre que les pays les plus vulnérables au changement climatique se situent dans la bande équatoriale (Amérique centrale, Afrique, Asie du Sud, Asie de l’Est) et sont pour la majorité des pays faiblement émetteur en CO2.

Afin de remédier à cette injustice, la communauté internationale a décidé lors de son cycle de négociation (COP) de mettre en place deux fonds ayant pour but de corriger ces inégalités. On notera le Fonds Vert pour le Climat et le Fonds Pertes et Préjudices.

Le développement des pays avancés contre le changement climatique

À l’occasion de la COP15 de Copenhague en 2009, la promesse des pays développés de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à atténuer et à s’adapter au changement climatique se voit évoquée. Il n’a pas fait l’objet d’un accord). Lors de la COP16 de Cancún en 2010, on met en place un Fonds Vert pour le Climat prévu pour répondre à la promesse de la COP15. Ce dernier s’inscrit dans l’Accord de Cancún et prévoit la mobilisation des 100 milliards de dollars par an (d’ici à 2020) envers les pays du sud. Ce fonds a pour objectif de limiter ou de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans les pays en développement et d’aider les communautés vulnérables à s’adapter aux impacts déjà ressentis des changements climatiques.

Cependant, le fonds devient pleinement opérationnel en 2015 lors de la COP21 à Paris quand il se voit réinscrit dans l’Accord de Paris. En dépit de la promesse formulée à la COP15 en 2009, le fonds n’a pas été financé à hauteur de 100%, ni en 2020 ni en 20219. Bien que les Etats contributeurs se fixent comme objectif d’atteindre les 100 milliards de dollars de financement pour le fonds, ce dernier obtient un financement à hauteur de 83,3 milliards en 2020 et 89,6 milliards en 2021.

Le constat du changement climatique

Nous avons dépassé le seuil des 1°C de réchauffement global par rapport à la période préindustrielle. Le climat reste donc perturbé en conséquence. Comme les rapports du GIEC l’avait expliqué, les phénomènes climatiques ainsi que leur intensité se décuplent, particulièrement dans les pays de la bande équatoriale qui sont des pays en développement.

Ce constat s’affirme une fois de plus au cours de l’été 2022. Les inondations ayant lieu au Pakistan submergent 10% du territoire et entraînent des pertes estimées à plus de 60 milliards de dollars. Dans ce contexte, le Fonds Pertes et Préjudices apparaît lors de la COP27 en 2022 à Charm el-Cheikh. Il sera achevé lors de la COP28 à Doha en 2023.

L’objectif des fonds

L’objectif du fonds est d’aider les pays particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques. Cela permettrait de faire face aux pertes et préjudices économiques et autres liés à ces effets. Cela passe notamment face aux phénomènes météorologiques extrêmes et aux phénomènes qui se manifestent lentement. Concrètement, ce fonds finance les États face aux urgences liées au climat. Il aide aussi à l’élévation du niveau de la mer ou à la migration. Il ne semble donc pas destiné à un groupe d’États prédéfinis. Ce dernier sera principalement alimenté par des subventions, mais aussi par des dons privés ou des prêts.

Contrairement au Fonds Vert sur le Climat, un conseil composé majoritairement de représentants de pays en développement (12 membres sur 14) dirigera ce fonds. En dépit de l’enthousiasme suscité par la création d’un nouveau fonds pour les pays en développement contre le changement climatique, le Fonds Pertes et Préjudices possède ses limites. Aucun plancher d’alimentation du fonds ne se voit fixé. Le plafond du fonds reste trop bas pour aider l’entièreté des Etats concernés par le problème. Les simples inondations de 2022 au Pakistan ont causé des pertes et préjudices forts. Le montant en dollars apparaît comme supérieur à la moitié du fonds. En effet, la création du fonds est récente. Il est probable qu’il suive la même trajectoire que le Fonds Vert pour le Climat. Ainsi, il reste possible de ne jamais le voir financé à 100%.

Les limites à la coopération climatique : une dure leçon de réalisme

30 ans après la ratification de la CCNUCC (censée poser un cadre de référence pour les futurs accords et négociations climatiques), les émissions de gaz à effet de serre mondiales ne cessent d’augmenter. La température mondiale a dépassé le seuil des 1°C de réchauffement par rapport à 1990. La société civile semble avoir perdu espoir en la COP. En dépit des succès diplomatiques enregistrés au cours des dernières décennies, la coopération climatique et les accords qui en découlent semblent ne pas avoir l’effet escompté sur la trajectoire des émissions.

Les intérêts nationaux des États : un frein à la lutte contre le réchauffement climatique

L’un des facteurs explicatifs de cette impuissance trouve ses origines dans les rouages même de l’État. On le voit en tant qu’acteur des relations internationales, dont l’unique boussole semble être ses intérêts nationaux. La théorie réaliste des relations internationales concorde avec cette hypothèse. Elle nous explique que les États sont les acteurs principaux de la scène internationale. L’anarchie internationale reste le contexte dans lequel ils agissent. Ainsi, il n’existe pas d’autorité supérieure aux États pour réguler leurs interactions entre eux). La lecture réaliste de la coopération climatique depuis 1992 mets en avant le manque de volonté politique des États à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

La croissance économique des États étant étroitement corrélée à leurs émissions10, il est inévitable que le processus multilatéral de réduction des émissions soit aussi lent et qu’il fasse l’objet d’une certaine hypocrisie. La mollesse de l’élaboration des accords climatiques ainsi que de leur mise en œuvre est flagrante. Le GIEC explique dans son premier rapport publié en 1990 que la combustion des énergies fossiles provoquent un réchauffement climatique. Il faut attendre l’Accord de Paris de 2015 pour avoir un traité pleinement efficient. Il fixe les premiers objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre soit 25 ans après. Le Protocole de Kyoto se voit exclu du raisonnement. En effet, il n’était pas universel et la majorité des parties se sont retirés de l’accord dès la fin de la première période.

Un renversement de la hiérarchie des normes de Kelsen ?

L’hypocrisie dont la coopération climatique fait l’objet est quant à elle indéniable. La production de l’Accord de Paris ne peut aboutir sans renversement de la hiérarchie des normes initié par la présidence française. De surcroît, les États ont amendé le texte pour protéger leurs intérêts. Par exemple, on peut noter l’Arabie Saoudite avec l’absence du terme « énergie fossile » et des États-Unis avec le remplacement des « should » par des « could »).

L’alimentation insuffisante du Fonds Vert pour le Climat (les 100 milliards prévus pour 2020 n’ont toujours pas été atteints en 2021) laisse présager un sort identique pour le Fonds Pertes et Préjudices institué lors de la COP27 (ces deux fonds constituent pourtant les piliers de la justice climatique internationale).

Des rapports de puissance à apprécier pour comprendre les difficultés de lutte

La théorie réaliste nous permet également de décrypter les rapports de puissance lors des COP. Cette dernière considère l’État comme acteur principal des relations internationales et par conséquent tout autre acteur comme secondaire. Cette théorie semble s’affirmer pour les négociations climatiques, si les ONG pratiquent la diplomatie de couloir à travers des discussions dans la salle plénière de la COP, des appels téléphoniques ou des déjeuners pour obtenir des informations sur l’évolution de la négociation ou influer sur la prise de décision, elles restent exclues d’une grande partie des négociations interétatiques13.

Le fait que le résultat de la négociation dépende fortement des agendas des États ainsi que de la position politique et idéologique des leaders étatiques reste flagrant. Il s’illustre parfaitement dans le retrait des États-Unis de l’Accord de Paris suite à l’accession au pouvoir de Donald Trump. On le voit dans le rétropédalage effectué par Joe Biden dès le premier jour de sa prise de fonction. En dépit du réalisme des COP, le rôle des ONG reste important. Elles appuient les délégations des petits États (notamment insulaire) lors des COP via des soutiens techniques et des conseils juridiques. Elles sont mobilisatrices de la société civile. Il s’agit d’un contrepoids politique majeur en particulier dans les États démocratiques où l’empreinte carbone par habitant reste élevée.

Le poids des ONG lors des coalitions dans la lutte contre le changement climatique

Les ONG ont de surcroît la possibilité de s’organiser en coalition. Cela permet d’obtenir un poids politique plus important. On peut le voir avec le Réseau Action Climat qui regroupe 1900 ONG dans 130 pays. Les ONG de défense pour le climat ne sont pas les sont pas seuls à effectuer des pressions sur les États.

Les intérêts des industries du secteur des hydrocarbures restent également défendus durant les COP. Lors de la COP28 de Dubaï en 2023, 2456 lobbyistes des énergies fossiles ont obtenu une accréditation. Ils se sont rendus sur place. Patrick Pouyanné le PDG de l’entreprise française Total Energies), par exemple, était présent.

Ainsi, la lutte contre le changement climatique ne semble pas prête de se conclure.

Notes

  1. STATISTA, Le rythme d’accroissement du CO2 dans l’atmosphère s’accélère, Tristan Gaudiaut, 12/03/24, [Consulté le 24/05/24] ↩︎
  2. GEOCONFLUENCES, Réchauffement climatique, variabilité, changement et dérèglement climatiques, Eduscol, 10/24, [Consulté le 24/05/24] ↩︎
  3. NATIONAL GEOGRAPHIC,Élévation du niveau de la mer : les chiffres clefs, Christina Nunez, 15/06/24, [Consulté le 24/05/24] ↩︎
  4. KISS Alexandre, Annuaire français de droit international, Editions du CNRS, Paris, pp793 ↩︎
  5. MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE ET DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES, COP28, MTECT-MTE, date de publication non précisée, [Consulté le 27/05/2024] ↩︎
  6. S. Res.98 – 105th Congress (1997-1998) : A resolution expressing the sense of the Senate regarding the conditions for the United States becoming a signatory to any international agreement on greenhouse gas emissions under the United Nations Framework Convention on Climate Change. » Congress.gov, Library of Congress, 25 juillet 1997, [Consulté le 27/05/2024] ↩︎
  7. CENTRE QUÉBÉCOIS DU DROIT DE L’ENVIRONNEMENT, Le Protocole de Kyoto : un accord historique pour le climat, Date de publication non précisée, [Consulté le 27/05/2024] ↩︎
  8. MINISTÈRE DE LA TRANSITION ÉNÉRGÉTIQUE, Chiffres clés du climat, France, Europe et Monde Édition 2023, Date de publication non précisée, [Consulté le 28/05/2024] ↩︎
  9. LES ECHOS, Climat : les émissions mondiales de CO2 liées à l’énergie atteignent un nouveau record, LES ECHOS, 01/03/24, [Consulté le 28/05/24] ↩︎
  10. DAGORN Gary, COP26 : visualisez les émissions cumulées de dioxyde de carbone par pays depuis 1850, LE MONDE, 8/11/21, [Consulté le 29/05/24] ↩︎
  11. CITEPA, Financement climat pour les pays en développement : l’objectif de 100 milliards toujours non atteint en 2021, 22/11/23 [Consulté le 29/05/24] ↩︎
  12. RAMOS Clément, Découplage et croissance verte, Carbone 4, 09/21, [Consulté le 29/05/2024] ↩︎
  13. OLLITRAULT Sylvie, Les ONG, des outsiders centraux des négociations climatiques ? Revue internationale et stratégique, 2018, N°109, Pages 135 à 143 ↩︎

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