La III ème République nait dans des circonstances difficiles avec un pays en guerre et tiraillé entre monarchistes et républicains. Malgré ces débuts difficiles, le régime parlementaire parviendra à s’imposer, non sans traverser de nombreuses crises qui révèlent les fragilités et les tensions inhérentes du système parlementaire.
L’instauration de la III ème République
La proclamation de la république
La IIIème République est proclamée dans un contexte de guerre le 4 septembre 1870. C’est un gouvernement provisoire qui se met en place suite à la capture de Napoléon III à Sedan le 2 septembre 1870, après sa défaite face aux Prussiens. Certains députés républicains l’appellent le « Gouvernement de la Défense nationale ». Ils ont pour objectif de poursuivre la guerre. Cependant, faute de légitimité, ils ne peuvent pas signer la paix avec l’ennemi, ni donner une nouvelle Constitution.
La III ème République se dote d’un cadre institutionnel avec une nouvelle constitution. Elle est rédigée par l’Assemblée nationale constituante élu aux élections législatives du 8 février 1871. Malgré la proclamation de la République, les monarchistes remportent les élections. Ils sont ainsi majoritaires à l’Assemblée nationale.
Néanmoins, cela reste aussi une petite victoire pour les Républicains. Adolphe Thiers, républicain modéré, se voit nommé « Chef du pouvoir exécutif de la République française », par une loi du 31 août 1871. Mais l’importance quantitative des monarchistes remet en cause les intentions républicaines, et le régime parlementaire.
Alors que la guerre contre la Prusse se poursuit, le président de la République, Adolphe Thiers, signe la paix en 1871. Il se doit en revanche de démissionner quelque temps plus tard. L’Assemblée de tendance conservatrice et monarchiste souhaite réduire les pouvoirs du président de la République. Cela passe pour un obstacle à leurs plans de restauration de la monarchie. Le 13 mars 1873, l’Assemblé vote la loi de Broglie qui atténue les pouvoirs de Thiers. Ce dernier, s’y oppose, mais l’Assemblée votera finalement sa révocation.
La commune de Paris
Cette période est également marquée par la « commune de Paris » du 18 mars 1871 jusqu’au 28 mai 1871. C’est un mouvement insurrectionnel parisien et républicain qui s’oppose au retour de la monarchie et souhaitent l’installation d’une République plus sociale, favorable au peuple.
Les communards seront sévèrement réprimés par le gouvernement d’Adolphe Thiers, à dominante monarchiste. Du 21 au 28 mai, le gouvernement écrase la commune de Paris, connue sous le nom de « la semaine sanglante ». On estime qu’entre 15 000 et 25 000 personnes sont mortes.
L’établissement du régime républicain
La majorité royaliste remplace Thiers par Mac-Mahon, élu par 390 voix sur 721 présents, compte tenu de l’abstention de toute la gauche. Il est nommé pour 7 ans, selon la loi du septennat adopté par l’Assemblé le 20 novembre 1873.
Henri Wallon propose un amendement à la loi du 20 novembre. Wallon le rédige ainsi alors. « Le président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et la Chambre des députés réunis en Assemblée nationale. Il se voit nommé pour sept ans. Il est rééligible ». Cet amendement permet aussi d’intégrer le mot « République » dans la loi constitutionnelle.
L’adoption de cet amendement et des lois constitutionnelles qui en découlent, notamment la loi du 24 février 1875 sur l’organisation du Sénat et la loi du 16 juillet 1875 sur les rapports entre les pouvoirs publics, marque le passage définitif à la Troisième République.
La Constitution de 1875
Un plausible retour de la monarchie
L’instauration provisoire de la République en vue d’un prochain retour à la monarchie a conduit à l’élaboration d’un compromis entre la monarchie constitutionnelle et la République. Les monarchistes libéraux s’accordent avec les républicains pour fixer des institutions de la république.
En conséquence, la Constitution de 1875 se voit peu structurée et ne comporte que 34 articles. Cela laisse à la coutume la mise en pratique du reste.
Les lois constitutionnelles
Les lois constitutionnelles se concentrent sur la définition des éléments essentiels des organes du pouvoir :
- La chambre des députés est élue au SUD pour 4 ans ;
- Le Sénat :
- Une exigence des royalistes pour modérer le suffrage universel : 75 sénateurs nommés à vie par cooptation et 225 élus par les grands électeurs suivant.
- Un mandat de 9 ans et renouvellement par tiers.
- Président de la République :
- Il est élu par le Parlement (chambre des députés + Sénat).
- Il n’est pas responsable devant les chambres.
- Il jouit de beaucoup de pouvoirs : droit de convoquer et d’ajourner les chambres, de leur adresser des messages, de dissoudre la Chambre des députés (avec l’accord du Sénat), l’initiative des lois, la présidence des séances du Conseil des ministres, le commandement des forces armées, la représentation de la France à l’intérieur et à l’extérieur, et la ratification des traités.
- Toutes ses décisions se voient contresignés par les ministres.
- Les ministres et le Conseil des ministres :
- Ils sont nommés par le Président et responsables devant les chambres.
- Certaines décisions doivent être prises « en Conseil des ministres » et non par le président et un ministre seul.
De plus, la procédure de révision est relativement simple. Une majorité absolue dans chaque chambre (Assemblée nationale et Sénat), sur proposition du Président ou d’une des Chambres. Les révisions doivent ensuite être adoptées à la majorité absolue des membres de chaque chambre.
Les royalistes restent divisés. Ils ne parviennent pas à s’entendre pour rétablir la monarchie. Certains monarchistes finissent par rejoindre le camp des républicains, tout comme la population française.
La III ème République face aux crises
La crise du 16 mai 1877 de la III ème république
Après les législatives des 20 février et 5 mars 1876, la Chambre des députés est composée d’une majorité de républicains. Jules Simon, républicain modéré, est nommé Président du Conseil.
Le 16 mai 1877, dans une lettre au Président du Conseil, Mac Mahon lui demande s’il a le sentiment d’avoir toujours sur la Chambre des députés « l’influence nécessaire pour faire prévaloir ses vues. » Les députés républicains considèrent cette admonestation comme un abus de pouvoir contre le suffrage universel et la République. En réponse à cette lettre, Jules Simon démissionne. Mac-Mahon désigne le duc Albert de Broglie (monarchiste) comme son successeur. Le 25 juin 1877, Mac-Mahon dissout la Chambre des députés avec l’avis conforme du Sénat, espérant obtenir une nouvelle majorité qui est favorable à sa politique.
Les élections législatives des 14 et 28 octobre 1877 sont un succès pour les républicains qui obtiennent 321 sièges sur 533 sièges. Ainsi, les républicains conservent la majorité des sièges et des voix (4,2 millions de suffrages en faveur des républicains, contre 3,6 pour les monarchistes et les bonapartistes). Le 13 décembre 1877, Mac-Mahon s’incline devant la chambre et nomme les ministres que la chambre à majorité républicaine lui impose. Il semble contraint de nommer Jules Simon président du conseil.
Le 30 janvier 1879, incapable de s’opposer à des mesures qu’il réprouve, il préfère démissionner. Jules Grévy est alors élu à sa place et fonde un pouvoir régi en grande majorité par les républicains. Les républicains votent des lois qui installent durablement la République (syndicats autorisés ; liberté de presse et de réunion ; les partis politiques peuvent se former…).
La Constitution Grévy
La « Constitution Grévy » est une doctrine non écrite initiée par Jules Grévy. Ce n’est pas une constitution au sens formel, mais plutôt une pratique politique.
Cette doctrine interdit le droit de dissolution prévu par les lois constitutionnelles de 1875 qui pour Grévy était une atteinte à la souveraineté nationale. Ainsi, la « Constitution Grévy », marque l’effacement du chef de l’État. Désormais, les ministres ne sont responsables que devant les chambres, et plus devant le président de la République : au dualisme, est substitué un régime parlementaire moniste. Cette pratique durera jusqu’en 1958, instaurant de facto la France dans un régime d’assemblée. La pratique institutionnelle fait de l’organe législatif le centre absolu du pouvoir, subordonnant presque les autres institutions.
La Crise boulangiste
En 1886, George Boulanger est nommé ministre de la Guerre. Il gagne rapidement en popularité. Il séduit une partie de la population pour son image revancharde envers l’Allemagne. De plus, il surfe sur le sentiment antiparlementaire qui naît à la suite de divers scandales financiers impliquant des députés. Il rassemble autour de lui les déçus parlementaires. Il sera triomphalement élu député en 1889 et promet de changer la situation en rédigeant une nouvelle constitution. Les républicains parviennent à l’écarter de la vie politique en l’accusant de complot contre la République et lance un mandat d’arrêt contre lui auquel il échappe en s’exilant en Belgique.
L’affaire Dreyfus et III ème république
La République se confronte à l’affaire Dreyfus. Un capitaine de l’armée française de religion juive est accusé en 1894 d’avoir transmis des documents secrets à l’Allemagne.
Il est condamné à tort pour espionnage au profit de l’Allemagne. Il devient un sujet de société lorsque Emile Zona publie la lettre ouverte « j’accuse » pour défendre Dreyfus. Après 4 ans au bagne, Dreyfus est gracié en 1899 et réhabilité en 1906.
Au cours de cette affaire, deux camps se sont opposés :
- Les antidreyfusards : souvent issu de la droite nationaliste et cléricale et parfois de l’extrême droite antiparlementaire et antisémite. Ils soutiennent l’armée et la raison d’Etat
- Les dreyfusards : rassemblent les intellectuels et responsables politiques républicains. Ils agissent au nom des valeurs républicaines tel que la justice et le respect des droits de l’homme pour défendre l’innocence de Dreyfus.
Cette affaire va permettre au républicain de s’unir et de former un gouvernement de défense républicain dirigé par Pierre Waldeck-Rousseau en 1899 face à l’extrême droite antidreyfusard (Du 22 juin 1899 au 3 juin 1902).
La crise des inventaires
En 1892, le pape León XIII appelle les catholiques à adhérer à la Troisième République, c’est le ralliement. En 1905, la loi de séparations des églises et de l’Etat ravive les tensions. Cette loi garantit la liberté de croyance et de religion, mais surtout la neutralité de l’Etat en matière religieuse. La religion relève désormais du domaine privé. Les églises ne bénéficient plus de subvention de l’Etat. La France devient une république laïque.
Les catholiques perçoivent cette loi comme une persécution. En 1906, les tensions sont à leur paroxysme avec la crise des inventaires. En 1906, une loi prévoit l’inventaire des biens mobiliers et immobiliers des Eglises pour préparer la dévolution de ces biens à des associations cultuelles.
Des fidèles catholiques s’opposent aux inventaires. Ils barricadent les églises et organisent des manifestations. Les forces de l’ordre interviennent. La crise des inventaires donne lieu à des heurts et à un climat de tension entre les croyants et la République.
A ce stade, la nation républicaine est encore loin d’être complètement uni.
L’instabilité ministérielle dans la IIIème république
A partir de 1909, l’instabilité ministériel marque la III ème République (104 gouvernements de 1871 à 1940).
Entre 1909 et 1914, la France a connu onze gouvernements. Cette instabilité s’est accentuée dans les années 1930-40, dans un contexte de crise économique et financière, la montée des périls en Europe et les scandales politiques.
Cette forte instabilité s’explique par les travers d’un parlementarisme absolu depuis la constitution de Grévy qui a affaibli la fonction présidentielle. Le pouvoir de dissolution dont disposait le Président de la République se voit abandonné. Pourtant, il constitue normalement le contrepoint de la responsabilité du Gouvernement devant le Parlement.
Le multipartisme a également contribué à cette situation avec L’émiettement des partis. Par exemple, en 1934, on compte seize groupes parlementaires, avec des alliances fluctuantes. Et si les majorités se constituent facilement pour renverser un Gouvernement, elles sont plus difficiles à obtenir pour gouverner.
1940 : La fin de la III ème République
En juin 1940, la France est en déroute. Après deux mois de guerre, les nazis occupent les deux-tiers du territoire. Des millions de français prennent la route de l’exode.
Dans ce contexte chaotique, le maréchal Pétain se voit désigné chef du Gouvernement par le Président Albert Lebrun le 16 juin. Le maréchal Pétain demande et obtient l’armistice le 22 juin. Le 2 juillet, le Gouvernement s’installe à Vichy. Puis, le 10 juillet, le vice-président du Conseil, présente à la Chambre des députés et au Sénat, un projet de loi constitutionnelle visant à donner « tous pouvoirs au Gouvernement de la République, sous l’autorité et la signature du maréchal Pétain, à l’effet de promulguer (…) une nouvelle Constitution de l’État français ».
Les pleins pouvoirs sont votés à une écrasante majorité, 569 parlementaires se prononçant pour et 80 contre (Sur 907 députés et sénateurs, 640 sont présents). Les mois qui suivent, le maréchal Pétain ne promulgue pas la Constitution pour laquelle il a reçu les pleins pouvoirs ; il met en place un régime d’ordre et d’autorité, enterrant tout à la fois la IIIème République et la représentation parlementaire.
La Troisième République, instaurée en 1870 après la chute du Second Empire, a connu une longévité rare. Elle s’est étendue sur près de 70 ans jusqu’à sa chute en 1940. Malgré les nombreuses crises qu’elle a traversées, le régime parlementaire s’est enraciné dans le cœur de la majorité des Français et a permis de poser les fondements de la République.
L’instabilité ministérielle et l’invasion de la France par le Troisième Reich en 1940 ont porté un coup à la Troisième République. Le régime s’est effondré.
Elle a laissé un héritage durable notamment avec le renforcement du régime parlementaire, l’apport de réformes libérales et elle a posé les bases d’une démocratie embryonnaire.
Marie-Sara Bousquet, rédactrice