Comment appréhender le commentaire en droit ? Voici une méthode complète dans une fiche condensée pour ne plus manquer cet exercice universitaire. Ne louper plus vos galops d’essai et vos partiels grâce à cette explication !
Dispositions communes au commentaire en droit et à la dissertation
Quelques astuces en amont
- Une bonne copie suppose une préparation conséquente. Chacun est en la matière souverain, mais on ne peut que conseiller de consacrer un tiers du temps imparti au « brainstorming », à l’organisation des idées, à la construction du plan et la rédaction de l’introduction au brouillon. Ce n’est pas du temps perdu, c’est du temps que vous rentabiliserez lors de la rédaction.
- Il est préférable de produire un devoir construit en deux parties divisées de deux sous-parties. En règle générale, le sujet est conçu pour qu’une telle organisation soit la meilleure. En vous y conformant, vous respectez les codes établis par le monde académique. Aussi, vous gagnerez du temps et ferez preuve d’un esprit de synthèse, lequel est particulièrement prisé par les juristes. Souvent, le propos de la troisième partie peut en fait être « redistribué » dans les deux autres.
- Transitions et « chapeaux » : Le lecteur a besoin de repères pour lire votre devoir. Ils ne servent pas à se répéter mais annoncent le lien entre ce que vous venez de dire et ce que vous vous apprêtez à dire. Leur importance ne doit pas être négligée : ils explicitent le lien logique qui vous a permis ou qui a permis à l’auteur commenté de passer d’une idée à une autre, ou de traiter deux idées ensemble.
Il s’agit des éléments suivants, qui forment de petits paragraphes bien distincts :
- ……. Grande transition (trois-quatre lignes)
Chapeau – annonce a et b II) ……………………..
- …….. Chapeau – annonce a’ et b’
……………… a) ……
Transition – annonce b …………………………….
- ……… Transition – annonce b’
……………… b) ………
Style et forme du commentaire
D’un point de vue stylistique, évitez : « Après avoir étudié dans une première partie les dispositions de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen répondant aux abus de l’Ancien Régime, nous allons maintenant étudier les dispositions fondant un nouvel ordre politique. » Préférez : « La Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen aspire à conjurer les abus de l’Ancien Régime (a). Ce faisant elle forge un ordre politique nouveau (b). »
Le plan est apparent. Il convient donc de soigner les titres choisis. Ils doivent être concis (pas de verbes conjugués, pas de mots inutiles comme « premièrement »). Interdisez-vous la platitude (Ex : I- Le pouvoir ou I- Le Premier ministre). Il s’agit de montrer à votre correcteur que vous avez vraiment compris le texte, que vous vous faites une idée précise des idées qu’il contient et que vous savez de quoi vous allez parler. La lecture du plan doit lui suffire à comprendre les fondements de votre analyse.
Ne pas faire : 1- Le plan à points de suspension (Ex : I- Une réforme territoriale radicalement novatrice… II- … Facilitant la mainmise de l’État central)
2- Une interrogation dans un plan (I- Des formalités contractuelles insuffisantes ?). Vous devez apporter dès le plan un élément de réponse par l’intitulé du titre ou, si c’est un commentaire, exposer un élément de la doctrine défendue par l’auteur commenté.
Méthodologie du commentaire en droit
Remarques générales sur l’exercice du commentaire en droit
Les attentes du commentaire de texte
Le but de l’exercice est de dégager l’intérêt juridique, politique et historique d’un document, de le replacer dans un contexte et de dévoiler sa portée. Il s’agit de faire ressortir les concepts de science politique et les constructions juridiques que vous avez appris, lesquels sont présentement exposés, discutés ou tenus pour acquis par l’auteur. Vous devez montrer à travers les prises de positions ou la perception de cet auteur les enjeux d’une norme juridique.
Il faudra que votre analyse aborde tous les éléments importants du texte, en le citant régulièrement. Cependant, il n’est toutefois pas nécessaire de recopier des extraits en entier. Il suffit d’indiquer les premiers et derniers mots, ainsi que le numéro de ligne (Ex : « L’Assemblée […] délit de blasphème » (l. 6-7).
À la fin, quelqu’un qui ne connaît pas le texte, la période historique ou les différentes conceptions qui s’affrontent doit, en lisant votre travail, le comprendre.
Ce qu’il ne faut pas faire
Il y a deux grands écueils à éviter :
- La restitution d’un cours sans rapport avec le texte présenté.
Il faut que dans chaque sous-partie du devoir, il y ait au moins deux citations du texte. Si on extrait des éléments du texte, c’est pour les exploiter et parler de ce qu’ils contiennent.
- La paraphrase.
Nombre d’étudiants pensent que le commentaire est un exercice facile car il suffirait de reformuler le texte. Il n’en est rien, le correcteur sait faire la différence entre celui qui maîtrise le cours et celui qui n’a rien appris. Vous devez apporter un éclairage, c’est tout l’intérêt de l’exercice.
Avant de commenter votre commentaire en droit
La phase pré-rédactionnelle du commentaire en droit se découpe en trois grandes étapes.
Carte de visite
Vous prenez contact avec le texte. Pour ce faire, il faut d’abord le lire intégralement (paratexte compris). Ensuite, pour dégager les informations principales, vous répondrez aux questions suivantes (dans la mesure du possible, certaines seront plus pertinentes selon le texte à commenter) :
QUI ? Auteur du texte. Il peut s’agir :
- D’un individu célèbre que vous devez connaître (ex : Rousseau, Louis XV, Robert Badinter…). Il est alors nécessaire de donner au lecteur des éléments biographiques (attention, n’évoquez que ce qui est pertinent pour une bonne appréhension du texte). Demandez-vous par ailleurs si l’auteur est simple spectateur ou s’il est impliqué dans le récit et de quelle manière.
- D’une institution (ex : le Parlement de Paris, la Cour des comptes, le Conseil constitutionnel…). Il faut alors la définir (naissance, rôle, composition, évolutions…).
- D’un texte collectif (ex : cahier de doléances, pétition…).
- D’un personnage méconnu mais sur lequel on vous donne quelques précisions (ex : François-Marie Dubuat, député du tiers-état de Meaux aux États généraux de 1789, Bertrand Dacosta, président de la 10e chambre de la section du contentieux du Conseil d’État …). On ne s’attendra pas alors à ce que vous donniez des détails biographiques, mais plutôt à ce que vous décriviez l’institution dont l’auteur est membre et expliquiez la fonction occupée.
OÙ ? Zone géographique concernée par le texte. Si c’est un discours, mentionnez le lieu précis où il est prononcé.
QUAND ? Date de première publication du texte.
Sa mention permet notamment de s’imprégner du contexte historique et politique au sein duquel il a été prononcé. Surtout, elle constitue pour votre devoir une date butoir. Vous ne pourrez commettre le péché d’anachronisme, en invoquant par exemple la fuite à Varennes pour expliquer un texte daté de 1789, ou expliquer un décret de 2008 par une réforme de 2012.
Si, dans votre développement, en introduction ou en conclusion, il est pertinent d’évoquer un évènement futur, il faudra le faire en employant le futur pour éviter toute confusion. En outre, cet élément ne pourra constituer un axe majeur du devoir ou une clef d’explication : on ne peut pas faire toute une partie ou une sous-partie entière sur quelque chose qui est détaché du texte.
Il peut arriver que la date ne soit pas donnée. En ce cas, les éléments du texte vous permettront au moins de le situer chronologiquement entre deux dates extrêmes, cela pouvant dessiner un contexte.
COMMENT ? Nature du document. Il peut d’agir d’une loi, d’un décret, d’une proposition de loi, d’une déclaration officielle, d’un discours, d’une chronique, d’un pamphlet, d’une biographie, d’un essai, d’un exposé des motifs d’une loi…
POURQUOI ET POUR QUI ? Objet du texte. Il faut ici répondre à deux questions majeures :
- De quoi parle l’auteur ? À quel(s) sujet(s) expose-t-il ses vues ? Il peut par exemple traiter de la question religieuse, de l’organisation de l’État, de la réforme territoriale…
- À qui s’adresse-t-il ? Si c’est un discours, on se demandera comment est composé son auditoire. Si c’est un essai, on peut notamment s’interroger sur le public qu’il entend convaincre ou informer. Vise-t-il un large public ou un public de spécialistes ? S’adresse-t-il une frange particulière de l’opinion ?
Analyse du texte
- Soulignez ou surlignez les mots-clefs et les césures. Faites pour cela attention au vocabulaire utilisé et aux articulations du raisonnement. Il n’est pas rare notamment qu’un terme important soit employé par l’auteur sans qu’il ne juge utile de préciser son sens : il mérite d’être analysé.
Attention : ce n’est pas un commentaire littéraire. N’évoquez les figures de style que si elles présentent un intérêt majeur dans la démonstration.
- Dégagez les idées importantes du texte dans l’ordre où elles se présentent. Numérotez-les afin de pouvoir facilement faire l’étape suivante. Vous pouvez à cette occasion inscrire brièvement au brouillon les éléments du cours qui vous seront utiles pour développer vos idées.
Élaboration du plan
- Grouper les idées du texte de manière à dégager vos deux grandes parties et vos quatre sous-parties. Il peut arriver que votre plan suive globalement l’ordre du texte, l’argumentaire de l’auteur ayant en principe une structure logique. Mais, souvent, il sera pertinent de « redécouper » le propos de l’auteur, puisqu’il arrive qu’à la fin du texte on revienne sur un point évoqué au début, qu’il y ait des répétitions.
- Toutes les notions-clefs doivent avoir leur place. Faites attention également à ce que votre plan soit équilibré, de sorte que votre copie le soit. Tâchez également de distinguer idées essentielles et idées secondaires, le but étant de faciliter leur mise par écrit lors de la rédaction.
- Dans le plan, il convient de restituer l’argumentation de l’auteur. Par exemple, si un orateur s’oppose à une réforme pénale proposée par un gouvernement, un titre du devoir pourrait être : I- Une restriction de liberté attentatoire aux droits humains. Cela n’empêche pas de préciser dans le corps du texte que l’on décrit bien la pensée d’un auteur, et de présenter les arguments exposés par les défenseurs de la réforme.
L’introduction
L’introduction du commentaire se décompose en cinq paragraphes.
1/ L’accroche
Il s’agit d’une entrée en la matière, conçue pour donner à votre correcteur l’envie de lire votre production. Elle n’excède pas quatre-cinq lignes.
Refusez la banalité (ex : « Depuis toujours, les hommes ont été confrontés à la question du pouvoir »).
Vous pouvez proposer : une citation (prise en dehors du texte à commenter), un adage, une analogie historique (pour mettre en avant une discontinuité ou au contraire pour marquer le caractère intemporel de l’enjeu), une anecdote pertinente, un résumé de l’historiographie d’un évènement ou d’une période, une affaire judiciaire en rapport avec le texte.
Ajoutez une petite phrase pour signaler la provenance de la citation, si ça en est une, ainsi que l’intérêt de l’accroche s’il n’est pas évident.
2/ Présentation du texte
Reprenez et ordonnez les éléments de votre carte de visite établie avant l’analyse du texte. Faites à ce stade preuve de fluidité au point de vue du style (ne pas écrire « Pour le lieu, il s’agit de… Quant à la date, c’est … » mais par exemple « À Paris, le 24 septembre 1978, M. X prononce un discours … ».
3/ Le contexte
Tout d’abord, il faut savoir qu’il s’agit d’un moment très important de votre devoir. En Histoire de droit, il justifie une plus grande longueur de l’introduction, le lecteur devant être capable de comprendre les enjeux du commentaire.
Vous pouvez pour ce faire exploiter des évènements (le Serment du Jeu de paume, la proclamation de l’état d’urgence en 2015), des idées politiques (absolutisme, démocratie, socialisme), des évolutions institutionnelles (les parlements s’érigent en contre-pouvoir, la cohabitation se fait rare), des évolutions culturelles et idéologiques (essor des idées des Lumières, du féminisme), des éléments de conjoncture économique et sociale (démographie, crises économiques, tensions interculturelles, interclassistes…).
Il ne s’agit pas cependant trop en mettre dans votre commentaire en droit. Les éléments choisis doivent être utiles à la compréhension du texte. Il faut surtout veiller à ce que le lecteur dispose des outils importants pour appréhender le texte. Par exemple, on ne peut parler de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen sans évoquer la pensée des Lumières, les précédents anglo-saxons, les vitupérations contre la justice retenue du Roi etc. On doit par ailleurs mentionner la Révolution, le Serment du Jeu de Paume, les cahiers des États généraux etc. Autre exemple, on ne peut comprendre la constitution de la Cinquième République sans la crise algérienne, l’expérience des républiques précédentes, les conceptions gaullienne du pouvoir, l’aspiration à la stabilité et au rehaussement du pouvoir exécutif etc.
4/ L’intérêt du sujet et la problématique
- À ce stade, il convient d’abord d’expliciter le but que l’auteur cherche à atteindre. Quelle est la thèse qu’il défend, ou l’opinion qu’il entend combattre ? Que veut-il éviter, changer, conserver ? On peut alors relier cet auteur à un courant d’idées, un parti, une école.
C’est aussi le moment pour prendre du recul vis-à-vis de votre texte. On attend quelques mots relatifs à la valeur, à la portée, à la postérité du texte. Il s’agit de montrer au lecteur que vous avez saisi les enjeux majeurs auxquels il répond. En quoi est-il intéressant d’étudier celui-ci plutôt qu’un autre ? Que révèle-t-il d’important ? Il peut par exemple témoigner d’une évolution majeure de la pensée de telle catégorie sociale, de la réaction de tels acteurs à telle innovation, d’une construction philosophique ayant existé mais n’ayant pas triomphé.
Par exemple : « Ce débat sur la création d’un code de la consommation témoigne de la diffusion de nouveaux comportements économiques, nés de l’évolution des mœurs et des besoins ». Ou encore « Cette polémique autour de la jurisprudence du Conseil constitutionnel témoigne de la crainte d’un gouvernement des juges, particulièrement présente en France depuis la Révolution française ».
- De ces éléments découle naturellement la problématique, qui doit être en adéquation avec le plan que vous avez construit. S’il l’est convenablement, vous devriez facilement trouver une interrogation à laquelle vos deux axes répondent.
D’un point de vue formel, dans un commentaire en droit, la problématique est une phrase interrogative. On peut retenir par exemple : « Comment la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen redéfinit-elle en 1789 les rapports entre les gouvernés et le pouvoir ? », « Dans quelle mesure le discours de Thibaudeau montre-t-il l’existence de continuités entre la Convention jacobine et la Convention thermidorienne ? » ou encore « En quoi l’exposé de la Première ministre témoigne d’une volonté de progresser dans la voie du fédéralisme européen ? »
Enfin, pour bien faire, il faut en outre mentionner le nom de l’auteur dans la problématique, de sorte qu’elle colle bien au texte proposé. Elle ne doit pas être vague et trop lointaine par rapport aux textes : elle doit permettre de bien comprendre le point de vue de ce dernier.
5/ L’annonce du plan
Après la problématique, indiquez au lecteur le plan que vous avez adopté de manière claire et précise.
Ex : « Nous verrons que la monarchie n’a pas su répondre à l’agitation parlementaire en raison de l’inertie de ses fondements idéologiques. Or, nous le montrerons d’abord, les parlements s’étaient constitués en une force d’opposition politique, qui devenait périlleuse pour la monarchie absolue ».
Le correcteur voit également ici la réponse que vous apportez à la problématique, la colonne vertébrale du plan que vous avez adopté. Il estimera à ce stade la cohérence et la pertinence du choix que vous avez fait.
Par la suite, il est conseillé d’user de gérondifs et de conjonctions de coordination pour relier les deux parties que vous avez établies. Évitez cependant « et, mais aussi, mais également, ainsi que… », qui aboutissent le plus souvent à une juxtaposition dissimulant le lien logique existant entre les parties. Préférez donc « car, or, par conséquent, certes, toutefois… ».
Le corps du devoir
Il faut confronter le texte à votre analyse. Cela implique un développement structuré. On peut par exemple suivre le schéma suivant :
- Tout d’abord, une citation du texte.
- Puis, une reformulation pour traduire le propos en termes juridiques ou pour simplifier le discours
- Enfin, une confrontation avec des connaissances acquises 4- Mise en évidence du but poursuivi par l’auteur, de l’allusion à telle doctrine etc.
On répète ensuite l’opération plusieurs fois afin que la sous-partie aboutisse à un argument solide. Ayez à l’esprit qu’une phrase trop longue et compliquée dessert la démonstration : des phrases simples et efficaces font tout à fait l’affaire. Beaucoup de grands auteurs ne font pas des phrases interminables.
Voilà, enfin, vous savez faire un commentaire en droit !