IA et littérature : un usage omniprésent
IA et littérature font-ils bon ménage ? L’IA (Intelligence Artificielle) s’applique à différents secteurs de nos vies. Recherche médicale, automobile, finances, industrie… Cet outil en pleine expansion ouvre des possibilités infinies pour les producteurs et consommateurs. Au quotidien, celle-ci prend la forme d’assistance virtuelle, de reconnaissance d’image, de voix, on la retrouve au cœur même des applications mobiles. On voit également une modification dans l’université et l’école supérieure, d’une manière générale. Moins de travail maison, moins d’analyse en dehors des cours. On s’attelle à ne plus demander des rendus écrits qui donneraient envie d’être traités par l’IA.
Le milieu artistique a, lui aussi, tôt fait de s’emparer de cette nouvelle technologie. Sur les forums et réseaux sociaux, les créations assistées par Midjourney et autres logiciels de génération d’images sont pléthoriques et à la portée de tous. Cette utilisation de l’IA questionne sur la notion d’originalité et de droit d’auteur dans tous les domaines de la création. Pour palier ces inquiétudes juridiques, plusieurs solutions se mettent en place. Une jeune start-up prend les devants et crée le « Label Création Humaine« . Des artistes « empoisonnent » également leurs œuvres … Décryptons quelques méthodes mises en place dans le domaine culturel pour protéger les œuvres originales et leurs auteurs.
Une application spécifique aux domaines de la création
La certification « livre écrit par un humain » : IA, littérature, changement de la société
ChatGPT, Bard, Llama, sont autant de noms et d’outils pour désigner des technologies d’intelligence artificielle. Ces trois-ci ont été utilisés à de multiples reprises par des auteurs comme aide à la rédaction. En décembre 2023, le professeur de journalisme Shen Yang remporte en Chine le deuxième prix dans un concours d’écriture de science-fiction. À cette annonce, il se confie sur la nature de sa création entièrement assistée par l’IA. De nombreuses fanfictions sont aussi rédigées de la manière suivante. L’espace d’autopublication d’Amazon Kindle Direct Publishing regorge de ce genre d’œuvres. Les productions mêlant humain et machine se font de plus en plus présentes et il est parfois difficile de distinguer le vrai du faux.
C’est pourquoi la startup Librinova a lancé un service pour garantir l’authenticité humaine d’une production littéraire aux côtés du Label Création humaine. Dès mi-janvier, les auteurs auto-publiés chez Librinova auront la possibilité d’apposer un sigle sur la couverture de leur ouvrage. Cela prouvera une rédaction par un humain.
Depuis 2014, Librinova a publié pas moins de 9000 titres en auto-édition et 180 en maison d’édition grâce à leur programme d’agent littéraire. Le Label Création Humaine, quant à lui, apparaît en mai 2023 pour œuvrer précisément à la distinction formelle entre un livre issu des technologies génératives et un livre écrit de main d’homme.
Le protocole de certification se déroule en quatre étapes : une confirmation contractuelle de la part de l’auteur sur l’absence d’IA au sein de son œuvre, la vérification par un détecteur. d’IA, une interview de l’auteur par un auditeur professionnel et une lecture échantillonnée de l’œuvre par l’auditeur.
L’empoisonnement des IA
Du côté des créateurs d’œuvres visuelles et audiovisuelles, d’autres techniques apparaissent pour protéger et authentifier les créations. Lorsqu’une IA générative donne jour à une image, elle va en réalité piocher des informations à travers la toile pour construire quelque chose qui entrera dans les critères de la requête de l’utilisateur. Parmi ces informations, nombreuses sont celles censées être protégées par un copyright. L’IA outrepasse cette restriction pour se servir de ce dont elle a besoin.
C’est pourquoi une équipe de l’Université de Chicago, sous la direction de Ben Zhao, a mis en place un programme nommé Nightshade. Ce programme a pour but « d’empoisonner » les images en modifiant le code des pixels de celles-ci. La perception que l’IA a de ces images est ainsi corrompue. L’IA ne comprend plus l’image qu’elle manipule et donne donc des résultats faussés. Cette corruption de l’image permet aux artistes de défendre leurs créations contre le vol et la réutilisation de leurs productions par l’IA.
L’utilisation de Nightshade soulève, néanmoins, quelques inquiétudes parmi les scientifiques craignant la déstabilisation totale de grands modèles d’IA. L’équipe d’universitaire rassure la communauté en affirmant que pour atteindre profondément des systèmes entiers, il faudrait un millier d’images empoisonnées. Or, l’usage premier de ce programme est bel et bien réservé aux créateurs désireux de protéger leurs œuvres, ce qui représente une minorité parmi les milliards d’images présentes sur Internet.
Et à l’échelle internationale ?
L’UNESCO (Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture) a pris en compte les dimensions culturelles et artistiques dans ses discussions sur l’éthique de l’intelligence artificielle. Cette organisation d’échelle internationale reconnaît l’importance de promouvoir l’éthique dans le développement et l’utilisation de l’intelligence artificielle, en tenant compte des diversités culturelles et des valeurs humaines.
Néanmoins, dans cette « Éthique de l’intelligence artificielle« , l’organisation aborde généralement ces questions dans le cadre plus large de la protection des droits de l’homme, de la diversité culturelle et de la promotion de la créativité. Parmi les quatre valeurs fondamentales prônées par l’UNESCO, la culture artistiques n’apparait pas.
Des points juridiques et éthiques à propos de l’IA et de la création restent actuellement en suspens. Ceux-ci sont amenés dans les prochaines années à grandement évoluer. On souhaite ici atteindre un équilibre entre utilisation d’intelligence artificielle, création originale, droit d’auteur et copyright. Finalement, IA et littérature semblent se confronter plutôt que de s’aider réellement…
Clara Sebastiao, rédactrice et intervenante culture