La souveraineté du peuple reste une véritable nuance en droit français. Il convient d’en éclairer cette notion pour mieux l’appréhender.
Le pouvoir du peuple par le peuple
La souveraineté du peuple par la démocratie
L’adage « le pouvoir du peuple par le peuple » est une réelle vision d’un régime démocratique. Il provient de « demos » (peuple) et « kratos » (pouvoir, provenant d’une divinité grecque représentant la puissance). Ainsi, par cette étymologie, le peuple peut devenir souverain, ou du moins titulaire de la souveraineté. Ce terme désigne, pour bien comprendre l’enjeu du sujet, la plus haute autorité. Souvent, il est question d’un État dit souverain, non soumis à l’autorité d’un autre. Concernant la souveraineté nationale, cela représente la plus haute instance d’autorité qu’un pays puisse apporter à son peuple.
Avec tous ces éléments, peut-on donc réellement affirmer que le peuple est véritablement titulaire de la souveraineté ? Prenons ici le cas de la France.
L’article 3 de la Constitution, garant de la souveraineté du peuple français
Tout d’abord, la France confère à l’article 3 de la Constitution la souveraineté du peuple Français. Elle ne le fait pas d’une manière totale. En effet, il semble impossible de raisonner à la manière de la démocratie athénienne (la démocratie directe). Il s’agit de l’écoute de la parole de tous et l’égalité du débat. Avec une population supérieure à 66 millions d’habitants, la République française ne saurait prendre en compte les avis de chacun. Elle s’y engage, quand bien même elle ne considère que les hommes et les femmes de plus de 18 ans avec la nationalité française. Il faut donc encadrer la démocratie en l’adaptant au régime politique de la nation : la démocratie représentative. L’article 3 de la Constitution implique donc une souveraineté nationale au peuple, certes, mais en ajoutant un exercice par les représentants élus par ce même peuple. Par exemple, toutes les personnes ayant le droit de vote peuvent participer à l’élection du Président de la République pour un mandat de cinq ans.
Les émotions contre le pragmatisme en droit français
De plus, le peuple est souvent soumis à l’émotion et au contexte présent. Il est donc plus judicieux d’élire des personnes plus connaisseuses du droit constitutionnel, de la politique ou encore de la géopolitique et des relations interétatiques. Cela permet de bannir les décisions hâtives sous le coup de l’émotion en recherchant des solutions avec sagesse et professionnalisme. En plus de cela, les citoyens peuvent malheureusement se faire manipuler, volontairement ou non. Leur avis devient donc biaisé en fonction du contexte actuel. C’est ce qui est d’ailleurs souvent reproché à certains partis politiques utilisant des faits divers allant dans le sens de leur programme, mettant en avant des informations parfois erronées pour gagner des points auprès de leurs électeurs.
Le « jeu des médias » entre également en course avec la politique. En fonction du journal et de son bord, l’article ou le reportage aura un tout autre visage. Avec tous ces éléments, il semble difficile de laisser le peuple réel titulaire de la souveraineté. Par exemple, le cas de la crise du Covid-19 semble très explicite pour cet argument. En effet, beaucoup de citoyens sont tombés dans le complotisme du virus, du refus des tests PCR ou encore des gestes barrières. Si le peuple avait été seul souverain, il est possible que la crise sanitaire ait pu durer beaucoup plus longtemps en raison d’un non-encadrement étatique de la pandémie.
Des droits affirmés par le peuple pour sa liberté
L’utilisation des pouvoirs constitutionnels pour la souveraineté du peuple
Cependant, et pour finir, le peuple français reste déterminé dans la souveraineté. En effet, il n’hésite pas à user des pouvoirs constitutionnels pour émettre un avis divergent de celui du régime politique, à travers divers outils républicains et surtout, démocratique : la liberté d’expression pour exprimer un avis (article 11 de la DDHC), la liberté de manifestation pour organiser des rassemblements pour une cause (article 20 de la DDHC), ou même le droit de grève (préambule de la Constitution 1958 ou article 7 de la Constitution de 1946, IVème République). Grâce à ces instruments citoyens, le peuple a les clés en main pour redonner à l’État la direction nationale souhaitée.
Le cas des Gilets jaunes
Les Gilets Jaunes sont le meilleur exemple pour illustrer cet argument. En effet, par les droits citoyens ou même constitutionnels qu’aucune autorité ne peut retirer, les citoyens français ont pu aboutir à plusieurs négociations et à la création d’un mouvement national à portée internationale pour se faire entendre. Si le peuple n’avait pas été titulaire de la souveraineté, il n’aurait pu se faire entendre par les représentants du régime républicain. En plus de cela, c’est bel et bien le peuple qui choisit son représentant nationale au travers de la démocratie représentative. Il peut donc voter pour le Président grâce au suffrage universel direct, donnant la direction de l’État pendant cinq ans. Cela signifie que le peuple a les clés en main pour faire passer, à la majorité, la personnalité politique qui a le programme le plus proche de la majorité des Français.
En conclusion, difficile de répondre à cette problématique d’une manière tranchée. Depuis la Révolution de 1789, il paraît évident que le peuple français guide la nation par sa souveraineté. Néanmoins, en raison de la complexité d’un régime, il convient de toujours déléguer ce pouvoir à des représentants afin de ne pas agir sous l’émotion ou encore sous la méconnaissance politique et juridique. Malgré tout, le peuple a toujours le pouvoir d’exprimer son mécontentement par le biais des élections, du droit de manifester ou encore par sa liberté d’expression.