États-Unis, la fin d’une hégémonie ?

Depuis la fin de la Guerre Froide, les États-Unis dominent incontestablement la scène internationale que ce soit au niveau militaire, diplomatique ou économique…

Les États-Unis restent malgré tout les premiers sur la scène internationale.

L’hégémonie américaine et ses failles internes

En tout cas, cette logique de toute puissance était présente tout le long de la Guerre Froide et même après celle-ci, comme le corroborait Barack Obama en 2010 : « Je ne veux pas de seconde place pour les États-Unis d’Amérique ». L’objectif, dans sa compréhension, est simple, contrairement à son application. En effet, bien que les États-Unis aient prouvé leur hégémonie tout autour du globe après la GF, ce n’est plus le cas aujourd’hui. Qu’a-t-il changé ? Qu’en est-il de leur hégémonie ? Ainsi, nous verrons que malgré leur apparence hégémonique, les États-Unis présentent de nombreuses failles.

L’économie des États-Unis : quel déclin au niveau national ?

Le système économique des États-Unis présente de nombreux écueils sur le territoire. En effet, les chiffres donnés en leur faveur sont à prendre avec des pincettes et dans leur globalité. Par exemple, leur croissance économique n’a progressé que de 25% depuis 2009. Ce chiffre, qui n’est pas alarmant en lui-même, drape une vérité moins florissante. Si on le compare aux années précédentes, et plus particulièrement aux années 1980 à 1990, on voit que ce chiffre est biaisé. Effectivement, des années 1980 à 1990, les États-Unis ont connu une croissance économique de 38 % à 43 %, soit un résultat nettement supérieur à la croissance actuelle.

Le taux de chômage est également à prendre avec du recul puisqu’il ne tient pas compte des individus qui n’ont plus de travail et qui n’en cherchent plus. En effet, bien qu’on observe une baisse de 4,3 points de pourcentages entre 2010 (9,6%) et 2021 (5,3%), cette différence n’est pas une avancée majeure. Il reste toujours beaucoup de chômeurs. Cependant, ces problèmes systémiques étaient prévisibles. En effet, comme l’affirmait Paul Kennedy dans son ouvrage The Rise and Fall of the Great Powers, les grandes puissances sans rival sont amenées à émerger puis tomber, par faute de “concurrent”. Ipso facto, les États-Unis n’ayant pas de rival à leur hauteur, leur puissance s’amoindrit au fur et à mesure du temps. Bien que la puissance étasunienne soit en récession, leur implosion n’est pas encore d’actualité.

Les failles politiques : une hégémonie des États-Unis en plein questionnement

Le pays connaît également des failles politiques sur son territoire. L’image du pays s’est ternie notamment depuis la présidence de Donald Trump et de la pandémie du Covid-19. En effet, à travers diverses actions, le 45e président américain a rendu le “rêve américain” moins attrayant qu’avant, voire “obsolète”. Par exemple, Trump réalisait un discours le 11 mai 2020 où étaient brandies des affiches “L’Amérique dirige le monde”. Certes, cela faisait référence aux tests covid, mais cette “provocation”, intentionnelle ou non, a assombri l’image du pays.

La crise du Covid-19 a également fortement affaibli le soft power étasunien. Par une crise mal gérée et un négationnisme des risques quant au Covid-19, les États-Unis sont devenus le pays le plus touché par la pandémie. A l’instar du 11 septembre 2001, cette pandémie a frappé de plein fouet la crédibilité des États-Unis sur le théâtre international. Les États-Unis, à la fin de la Guerre Froide, étaient également perçus comme « le » pays démocratique.

Aujourd’hui, ce modèle est remis en cause notamment par l’assaut du Capitole le 7 janvier 2021, un mouvement ayant pour but de “renverser” le nouveau Président Joe Biden, accusé d’avoir triché aux élections. Seulement, ce n’est le seul évènement qui a donné une image péjorative du rêve américain. Effectivement, en juin 2022, la Cour Suprême a laissé aux États leur propre législation quant à l’avortement. Ainsi, l’Alabama, l’Arkansas, la Louisiane, le Mississippi, le Missouri, le Dakota du Sud, le Wisconsin ont décidé de fermement interdire l’avortement, laissant percevoir un certain “retour en arrière”. 

La puissance des États-Unis : quel constat à l’extérieur ?

Un hard power en déclin

Pour asseoir sa domination, il faut exercer son influence envers les autres pays, sur tous les domaines. Les États-Unis appuient ainsi un hard power considérable. Cette théorie, selon Joseph Nye, signifie l’utilisation de la puissance militaire et/ou de sanctions économiques dans le but d’imposer sa vision. Ipso facto, les États-Unis tentent d’imposer leur direction. A l’heure actuelle, les anciens « gendarmes du monde » ne règnent plus en leadership sur le marché économique puisqu’un pays vient le concurrencer : la Chine. A titre de comparaison, le PIB réel des États-Unis a été développé par cinq fois et demi entre 1960 et 2020 contre 92 fois pour la Chine sur la même période, preuve de l’avancée fulgurante de l’Empire du milieu.

Les États-Unis s’efforcent également de dominer le marché commercial et plus particulièrement la Chine. Factuellement, cette tentative est un échec puisque les États-Unis importaient plus qu’ils n’exportaient en Chine. En 2017, les États-Unis ont importé de la Chine des marchandises leur coûtant 505,3 milliards de dollars alors qu’ils ne leur ont exporté que l’équivalent de 130,3 milliards de dollars, soit une « dette » de 375,2 milliards de dollars pour la puissance américaine envers la Chine. 

La domination militaire des États-Unis et l’économie américaine

La domination militaire des États-Unis va de paire avec la domination économique. L’émergence de certains acteurs ces dernières décennies risque de leur faire de l’ombre. En effet, au niveau qualitatif, les États-Unis dominent toujours largement, mais au niveau quantitatif, ils ne sont pas sur le devant de la scène. Ils se retrouvent à la 3e marche du podium avec en 2022, avec 1 281 000 soldats dans leur armée nationale. L’Inde les surclasse en nombre de soldats en se hissant en 2e position, avec 1 362 500 soldats, suivant de près la Chine, 1ère, avec 2 183 000 soldats.

De plus, le budget militaire de la Chine ne cesse d’augmenter d’année en année : en 2022, il a connu une croissance de 7,1%. Nonobstant, les États-Unis écrasent toujours l’Empire du milieu pour ce qui est du budget militaire annuel : 230 milliards de dollars pour la Chine contre 740 milliards pour les États-Unis. Ces chiffres sont à relativiser avec la guerre en Ukraine qui risque de relancer les dépenses militaires.

Le 31 janvier 2023, le ministre des Affaires étrangères chinois, Mao Ning, a accusé Washington et plus largement les États-Unis « d’avoir déclenché la crise en Ukraine » et d' »être le principal facteur qui l’alimente » en fournissant des armes lourdes à Kiev. Dès lors, ce n’est pas la puissance intrinsèque des États-Unis qui s’affaiblit. La montée en puissance militaire des autres pays, en réalité, les fragilise. S’installe petit à petit un nouveau paradigme.  

Le constat d’un soft power en recul : quels résultats pour la puissance étatsunienne ?

En somme, les États-Unis, malgré leur apparence hégémonique, présentent de nombreuses failles intérieures comme extérieures pouvant, à terme, mener à leur perte.

Joris Berry, rédacteur géopolitique