Napoléon au cinéma : du grand art ! Oubliez le dernier film de Ridley Scott car il y a plus à voir ! Caché sous les pseudonymes de grand Empereur, ou petit Caporal, Napoléon Bonaparte, dit Napoléon 1er, est un personnage de la politique française mondialement connu. Que cela soit par ses exploits, ses discours, ses lois, ou son style très reconnaissable, cet augustale figure des années 1700 et 1800 fait couler l’encre de nombreux auteurs avides d’aventures flamboyantes. Les cinéastes aussi se sont emparés de Napoléon pour le raconter sous différentes formes. En retraçant sa vie, ou en se concentrant sur certains épisodes de sa carrière, le grand écran a su présenter l’Empereur sous de multiples facettes toutes plus fascinantes les unes que les autres.
Avec pas moins de sept cents apparitions sur le grand écran et à peu près trois cents cinquante à la télévision, l’Empereur est l’un des personnages historiques les plus représentés sur les écrans. Découvrons, ici, quelques œuvres majeures qui composent cette imposante filmographie.
L’ère du muet : Napoléon au cinéma silencieux
Dès les premiers pas du cinéma, inventé en 1895 par les frères Auguste et Louis Lumière, la caméra capte de son œil les épopées napoléoniennes. Fierté nationale, il tient au cœur des cinéastes d’exporter cette figure pour chanter ses louanges au monde entier.
Entrevue de Napoléon et du pape, Georges Hatot, Gaston Breteau, 1897
Les frères Lumière envoient aux quatre coins du monde des opérateurs armés de leur caméra pour filmer des paysages et des coutumes méconnus des Français. Rapidement, ce cinéma documentaire va s’emparer également de la fiction. Et c’est ainsi que les caméramen Georges Hatot et Gaston Breteau nous offrent une série de vues historiques et de scènes reconstituées. Inspiré d’une nouvelle d’Alfred de Vigny, ils relatent une supposée rencontre à Fontainebleau qui aurait eu lieu entre le pape Pie VII et Napoléon le 25 novembre 1804. Cette courte de vue de quarante neuf secondes nous laisse entrevoir un décor filmé à la manière d’une pièce de théâtre.
Bonaparte au pont d’Arcole, Alice Guy, 1898
Alice Guy est la pionnière du cinéma de fiction en France. Cette femme talentueuse, et encore trop méconnue du grand public, fait ses armes auprès de Gaumont, chez qui elle exerce le métier de secrétaire. C’est après leur avoir proposé de tourner des fictions qu’elle réalise, en 1896, La Fée aux choux.
Deux ans plus tard, elle aborde un épisode célèbre de la vie de Napoléon, celui du pont d’Arcole. A la mi-novembre 1796, Augereau passe l’Adige à Ronco all’Adig. Mais il est repoussé par un feu violent des Autrichiens devant le pont d’Arcole. Bonaparte saisit alors un drapeau, s’élance sur le pont et l’y plante. Il est suivi de ses grenadiers. Un feu de flanc le fait rétrograder. Ses hommes l’entraînent à l’arrière où il est précipité dans un marais. Accouru de Milan, Lannes couvre le jeune général de son corps.
Napoléon au cinéma de l’entre-deux guerres
Entre 1918 et 1939, la France sort meurtrie d’une Première guerre mondiale sans précédent. Elle se rapproche, sans le savoir, d’une seconde vague meurtrière qui durera six ans. Dans ce contexte marqué par les bouleversements politiques et sociaux, et au milieu d’un peuple en pleine reconstruction, un réalisateur talentueux et engagé va tenter de mettre au monde une œuvre gargantuesque.
Enfin, cette période, durant laquelle les tensions nationalistes flirtent avec des rêves d’expansions impérialistes, nécessite la renaissance d’une figure mythique pour tenter de mettre des mots sur les traumatismes subis.
Napoléon, Abel Gance, 1927
Abel Gance se fait connaître dans un premier temps par des longs-métrages tels que J’accuse, ou encore La Roue. C’est en 1927 qu’il réalise l’un de ses nombreux chefs-d’œuvre : Napoléon. En effet, le film retrace le parcours de Bonaparte, de 1781 à Brienne jusqu’au 16 avril 1796 alors que vient de commencer la première campagne d’Italie.
Divisée en deux parties, cette œuvre de plus de sept heures a nécessité seize longues années de travail pour être reconstituée dans sa version originale. Non seulement l’histoire de la redécouverte de ce film est épique, mais celle de son tournage l’est tout autant. Grâce à son ambition, Abel Gance apporte au cinéma de grandes avancées technologiques. Il se permett de mettre à l’écran certaines scènes pour lesquelles les techniques utilisées n’existaient pas encore.
Et maintenant ?
Enfin, nous effectuons ici un grand écart, nous faisant passer de 1927 à 2023. Beaucoup de temps s’est écoulé. On ne compte plus le mètre de bobines qui s’est déroulé à propos du petit Caporal. Des cinéastes du monde entier se sont adonnés à cet exercice semi biographique. Ils tentent de raconter celui que l’on ne présente plus aujourd’hui. Le dernier en date, Ridley Scott, fait appel à Joaquin Phoenix pour revêtir le célèbre costume de l’Empereur.
Napoléon, Ridley Scott, 2023
Ici, plus sentimental que politique, Ridley Scott nous montre un Napoléon romancé au travers de quelques grands épisodes de sa vie. De sa carrière d’officier à son exil sur l’île de Sainte-Hélène en passant par certaines de ses plus célèbres batailles, Napoléon se dévoile dans ses relations intimes et ses rapports passionnels avec Joséphine de Beauharnais. De nombreuses libertés historiques sont prises pour faire primer l’émotion sur la véracité du récit.
Nul doute ici que Napoléon continuera encore et toujours à inspirer les artistes de notre temps. Incarnant tour à tour les doutes et les espoirs de la nation, il revêt différentes formes selon les époques et nous interroge sur l’état politique des choses. Il atteint au fil des ans un statut de mythe, permettant ainsi aux conteurs de l’invoquer presque métaphoriquement pour construire leurs récits.
Pour aller plus loin
Napoléon au cinéma : le site d’Hervé Dumont : https://www.hervedumont.ch/page.php?id=fr10&idv=4