L’Élection de Lai Ching-te à Taïwan : continuité des défis avec la Chine

Le samedi 13 janvier 2024, Taïwan a écrit un nouveau chapitre de son histoire politique avec l’élection de Lai Ching-te, successeur de la présidente Tsai Ing-wen, qui dirigeait le pays depuis 2016, à l’issue d’un scrutin à un seul tour, avec 40,1 % des voix. Membre du Parti démocrate progressiste (PDP) où il était le vice-président, Lai Ching-te incarne la continuité d’une politique orientée vers l’affirmation de l’identité taïwanaise et une position ferme face à la Chine.

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Les résultats de la Présidentielle

La victoire de Lai Ching-te (connu également sous le nom de William Lai) a été saluée par ses partisans comme un signe de solidité de la démocratie taïwanaise. En dépit des pressions internationales et des menaces constantes de la Chine, Taïwan a réussi à organiser des élections libres et équitables, démontrant son attachement envers les valeurs démocratiques. Lai, connu pour son discours indépendantiste a reçu un mandat clair pour continuer sur cette voie.

« Taïwan n’a jamais été un pays. Cela ne l’était pas dans le passé, et cela ne le sera certainement pas dans le futur ».

a déclaré le ministre des affaires étrangères, Wang Yi, ajoutant que toute démarche vers l’indépendance sera « sévèrement puni »

Répercussions avec la Chine

Depuis l’élection de Lai Ching-te, les relations entre Taïwan et la Chine sont restées tendues et incertaines. Avant les élections, la Chine avait exprimé sa désapprobation envers Lai Ching-te, le qualifiant de « séparatiste dangereux« . Malgré cela, Lai a remporté les élections, ce qui a conduit à une réaction de la part de la Chine, qui a réitéré son engagement envers l’unification avec Taïwan.

En réponse, la Chine a intensifié sa présence militaire. Le lendemain de l’élection, quatre navires de guerre chinois ont été détectés près de l’île. Le 18 janvier, l’Armée populaire de libération (APL) a mené ses plus grandes manœuvres militaires dans la région, impliquant des patrouilles de combat aérien et naval conjointes près de Taïwan avec la participation de vingt-quatre avions et cinq navires de la marine de l’APL. Ces exercices militaires n’ont pas encore eu d’impact significatif sur le transport de conteneurs, mais ils posent un risque d’accidents ou de mésinterprétations, qui pourraient conduire à des conséquences plus graves.

Les activités militaires croissantes de la Chine dans le détroit de Taïwan sont préoccupantes en raison de l’importance stratégique de cette zone en tant que route maritime majeure et du rôle du pays en tant que plus grand producteur mondial de semi-conducteurs, essentiels pour diverses industries. Tout conflit pourrait perturber ces chaînes d’approvisionnement à l’échelle mondiale.

L’historique des deux Pays

Le développement de Taïwan

Avant le 20ème siècle, Taïwan, peuplée par les austronésiens, a connu divers degrés de migration et d’influence chinoises au fil des siècles. L’île a aussi été sous le contrôle de puissances européennes comme les Hollandais et les Espagnols au 17ème siècle. La dynastie Qing de Chine a officiellement annexé Taïwan en 1683, la régnant jusqu’à la fin du 19ème siècle.

À la suite de la première guerre sino-japonaise, cette dynastie a cédé le pays au Japon en 1895. Pendant la domination japonaise, celui-ci a subi un développement et une modernisation significatifs. Après la défaite du Japon lors de la Seconde Guerre mondiale, Taïwan a été remise à la République de Chine (ROC) sous la direction du Kuomintang (KMT), dirigée par Chiang Kai-shek conformément aux accords de la conférence du Caire et de la conférence de Potsdam

La rivalité sino-taïwanaise

La guerre civile chinoise entre le Parti communiste chinois (PCC) et le KMT a conduit à la défaite de celui-ci. En 1949, le PCC a établi la République populaire de Chine (RPC) sur le continent. Le KMT s’est replié à Taïwan, où il a maintenu le gouvernement de la République de Chine. Cela a marqué le début de la gouvernance séparée de Taïwan et de la Chine continentale.

Pendant plusieurs décennies, à la fois la ROC (à Taïwan) et la RPC (en Chine continentale) ont revendiqué être le gouvernement légitime de toute la Chine. Tout au long de la Guerre Froide, l’île a été reconnue par de nombreux pays occidentaux comme le gouvernement de la Chine. Cependant, en 1971, les Nations Unies ont changé de reconnaissance en faveur de la RPC.

Les relations entre Taïwan et la Chine ont fluctué, avec des périodes de tension et d’hostilité, en particulier autour du statut de l’île et de sa reconnaissance internationale.

L’évolution de Taïwan

Les liens économiques se sont développés, mais les tensions politiques et militaires demeurent. Au fil des décennies, Taïwan a évolué vers une démocratie libérale, tandis que la Chine est restée sous le régime autoritaire du Parti communiste. Cette divergence a conduit à une situation unique où l’île, avec sa propre gouvernance et identité nationale, fait face à des revendications territoriales de la part de la Chine.

L’élection de Lai Ching-te en tant que président est un événement significatif dans l’histoire de l’île. Elle symbolise non seulement la continuité de la politique pro-indépendante du PDP mais aussi un défi pour les relations entre Taïwan et la Chine.

La manière dont ces relations évolueront sous la présidence de Lai Ching-te déterminera non seulement l’avenir de Taïwan mais aussi la stabilité dans la région Asie-Pacifique. La communauté internationale, tout en respectant les principes de la diplomatie et de la souveraineté, jouera un rôle crucial dans la façon dont cette dynamique se déroulera.

Lelia BERETTI et Marthe PIRON, chercheuses

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