Les penseurs chrétiens font avancer les théories religieuses du christianisme. Petit cours d’Histoire du droit et des pensées politiques et religieuses.
Introduction de la notion
« L’Église n’a pas de modèle de société à proposer ».
Jean Paul II
À travers ces quelques mots, Jean Paul II, le 264ème Pape au monde, décrète le besoin d’un véritable modèle politique au sein d’un État. Cette vision sociétale et politique démontre une véritable critique de l’imposition de l’Église se suffisant à elle-même. Actuellement, en France, la loi de 1905 relative à la séparation de l’Église et de l’État prouve sans équivoque le besoin de se désintéresser de la question du poids religieux au sein même de la politique et de la vie civile des citoyens français.
Cependant, cette pensée n’a pas toujours été la norme au sein des diverses sociétés étatiques. Pendant de nombreux siècles, la religion chrétienne a été le pilier de la France parmi tant d’autres pays, comme l’islam a pu l’être dans d’autres. En vérité, une bonne partie de l’Europe a suivi ce modèle, surtout au niveau du 11ème et 13ème siècle, rappelant communément les croisades. Ainsi, la religion semblait influencer la société et la politique d’une manière profonde et organisée, créant un modèle à part entière de société avec une hiérarchie connue, des classes et des métiers. Selon les époques et les continents, il est possible de retrouver ce modèle sous diverses formes de religion et de pouvoir politique. La combinaison des deux aspects a donc pu donner lieu à de vraies sociétés organisées qui fonctionnent plus ou moins bien, en fonction de tous les éléments pris en compte.
Il convient tout de même de comprendre le terme de société afin de comprendre en quoi la pensée chrétienne a pu avoir un réel impact en France. Il s’agit d’un ensemble de personnes partageant les mêmes normes, règles et cultures au sein d’un environnement commun. Ainsi, il a été beaucoup plus simple de voir apparaître divers penseurs chrétiens au cours de ces siècles de société religieuse française, puisqu’il s’agissait d’une norme sociétale. En effet, rien qu’au niveau de la France, cette notion de société chrétienne est apparue dès l’avènement de Clovis, qui a dû se convertir pour accéder au trône. Cette exigence royale prouve l’influence de l’Église dès la fin du Vème siècle, faisant devenir l’ancien souverain barbare un roi baptisé apte à régner sur le royaume des Francs.
Ainsi, le sujet est relativement intéressant puisqu’il permet de comprendre en quoi la présence de l’Église était plus que partiellement ancrée dans les mœurs de l’époque, donnant lieu à des réflexions poussées sur des éléments de tous les jours. Effectivement, depuis cette époque, de nombreux penseurs chrétiens ont tenu à réfléchir et apporter leur analyse de la société qui les entourent. Ainsi, ils ont pu élaborer des réflexions à propos du droit, mais aussi de la politique et de la vie civile.
Ainsi, de quelles manières les penseurs chrétiens ont-ils pu influencer le droit français et la société jusqu’à aujourd’hui ?
Il faut d’abord réfléchir sur la genèse de la pensée chrétienne à l’aube de la Royauté, au moment où ce système politique s’est mis en place (I). Puis, il convient de s’interroger sur l’impact considérable des penseurs chrétiens sur la vie politique et juridique française, pour interpréter leur influence d’hier à aujourd’hui (II).
La genèse de la pensée chrétienne à l’aube de la Royauté
Les penseurs chrétiens ne sont pas apparus au même moment en termes spatiaux temporels. En effet, la France a d’abord pu observer des précurseurs du mouvement des penseurs chrétiens (A), avant de voir s’imposer les modèles des penseurs de la chrétienté du Moyen-Âge (B).
Les précurseurs du mouvement des penseurs chrétiens
À la chute de l’Empire romain, les chrétiens peuvent librement exercer leur religion dans la vie civile gauloise. Persécutés pendant de nombreuses années jusqu’à être condamnés à mort, les religieux du christianisme ont, à l’aube de la Royauté, une plus grande place au niveau sociétal. Cette nouvelle intégrité religieuse devient en réalité la continuité de la décision de l’empereur Constantin en l’an 312, donnant licite le culte chrétien. Par ailleurs, le 25 décembre 496, Clovis se fait baptiser afin d’être autorisé à régner sur le Royaume des Francs. De ce fait, la religion prend une place importante pour l’État, si ce n’est une place primordiale : aucun roi n’est accepté sur le trône tant que celui-ci n’a pas reconnu le Dieu unique.
En autorisant ouvertement la religion chrétienne dans la liberté de culte, dans la vie civile mais surtout dans la vie politique, des précurseurs du mouvement de pensée chrétienne commencent à apparaître. Les Pères de l’Église, ainsi appelés, souhaitent développer ce qu’ils nomment la théologie, permettant d’approfondir la foi. L’apologétique, quant à elle, vise à défendre la foi contre les païens, c’est-à-dire le peuple ne croyant pas à la chrétienté. Ainsi, en œuvrant au respect de la religion ainsi qu’à la protection des fidèles, les Pères de l’Église s’assurent une continuité religieuse vis-à-vis de tous les chrétiens du Royaume des Francs. Dès lors, la religion s’installe dans la philosophie au même titre que la politique et la vie civile. Les penseurs, libres face à la nouvelle société religieuse, vont pouvoir perdurer même au Moyen-Âge, âge d’or pour la pensée chrétienne.
Les penseurs chrétiens pendant le Moyen-Âge
Deux personnalités chrétiennes vont devenir représentatives de la pensée de cette religion en proposant une vision propre à chacune. Ainsi, Saint Thomas d’Aquin et Saint François d’Assise assurent une philosophie religieuse ancrée dans la vie chrétienne de la France. C’est à cette période que les penseurs chrétiens posent de réelles questions sur la nature humaine et son rapport à la société, à autrui mais aussi et surtout à Dieu.
Tout d’abord, Saint François d’Assise n’est pas né en tant qu’homme chrétien. Sa conversion arrive en effet tardivement, ce qui va lui permettre de générer une philosophie mûre et réfléchie par rapport à son âge. Ainsi, l’ordre franciscain qu’il a conçu devient une référence en matière de pauvreté volontaire et d’aumône. De plus, il se met à rédiger plusieurs Cantiques, Lettres et Sermons qui auront pour but de marquer les mémoires des futurs chrétiens du Royaume. Ce penseur chrétien marque l’Histoire en étant toujours cité à l’heure actuelle.
Enfin, concernant Saint Thomas d’Aquin, ce religieux fait naître énormément de question autour de l’Homme : son amour, sa fidélité, mais aussi la morale, l’intellectuel et ce qui se rapporte à ses facultés. Il fait partie des penseurs chrétiens mettant sur le même pied d’égalité un principe païen avec un prince régis par la chrétienté, puisqu’ils sont tous deux légitimes au droit de seigneurie, un droit d’ordre dit naturel. Ainsi, le juridique se mêle à la politique et à la philosophie grâce à la chrétienté et à ses penseurs.
L’impact des penseurs chrétiens sur la vie politique et juridique française
La philosophie chrétienne avec le droit canonique
Pendant le XIII ème siècle, il devient important d’organiser la vie civile et politique des Français tout en gardant à l’esprit la volonté de garder l’Église dans son intégrité. Ainsi, par le droit canonique, la population continue à suivre la religion chrétienne tout en respectant un droit français stricte et hiérarchisé.
Le droit canonique promet des règles de société importantes tendant à toujours mettre au-dessus de l’État et des citoyens les représentants de Dieu. Malgré tout, c’est avec ce droit que de nombreux penseurs voient le jour, pouvant accéder à la culture, l’éducation ou encore les textes juridiques chrétiens. Les penseurs de la chrétienté peuvent s’intéresser au droit régissant la France pendant le Moyen-Âge au niveau civil surtout, mais aussi dans les liens entre les différentes classes comme le clergé, la noblesse et la plèbe. Aujourd’hui encore, de nombreux philosophes chrétiens étudient les effets juridiques qu’a pu apporter l’Église. Le droit des biens ou encore le droit de la famille, par exemple, sont une excellente illustration des avantages d’une organisation sociétale, politique et juridique. Cependant, ce pouvoir exercé par l’Église n’a pu perdurer dans le temps, notamment dès le XXème siècle en France.
La séparation de l’Église et de l’État, une limitation des actions des penseurs chrétiens
Dès la loi de 1905, l’Église se retrouve séparée de toutes décisions juridiques, civiles et même politiques à travers un texte législatif l’écartant totalement de l’État. Jusqu’alors, le droit canonique a pu s’étendre et réellement conférer une base solide pour le droit civil, par exemple. Ainsi, le mariage, le modèle familial ou encore l’immobilier sont organisés selon le modèle religieux.
Encore aujourd’hui, l’Église reste séparée de l’État sous le principe de la laïcité. Le code civil, emprunté à Napoléon, ne semble pas rester aussi strict que celui de la religion chrétienne, puisqu’il s’adapte en tout lieu et tout temps avec la société et la citoyenneté. Pourtant, pendant le siècle dernier, de nombreux penseurs ont préféré utiliser la philosophie chrétienne à travers de nouveaux courants, beaucoup plus modernes que Saint Thomas d’Aquin, bien que le néothomisme apparaisse, ou encore les Pères de l’Église. Dès lors, il est courant de lire le modernisme avec Ernest Renan, ou encore l’existentialisme chrétien, les théologiens comme Paul Tillich ou encore la féministe Simon Weil en penseuse indépendante.
Ainsi, pour conclure, malgré un rejet de l’Église, les penseurs chrétiens ont encore toute leur place en France, sous principe de la laïcité, et ne tardent pas aujourd’hui à adapter les mouvements religieux pour aller au plus proche de la pensée citoyenne à l’heure actuelle.