La Zone d’intérêt : la Seconde Guerre mondiale au Cinéma

Zone d’intérêt : un film à voir dès 2023. La Seconde Guerre mondiale n’a cessé de faire couler l’encre de nos auteurs, philosophes, historiens et sociologues. Elle a aussi fait tourner les caméras de plusieurs réalisateurs, cinéastes et documentaristes. On ne compte plus le nombre de longs métrages à son propos : Nuit et Brouillard, Le Fils de Saul, Tu ne Tueras point sont autant de titres qui s’emparent du traumatisme international que fut-ce terrible évènement.

Fin 2023, Jonathan Glazer revient avec La Zone d’Intérêt, une œuvre originale et impactante apportant un nouveau point de vue sur ce sujet complexe aux multiples facettes.

Un come-back inespéré

Jonathan Glazer réalise coup sur coup, en 2000 et 2004 Sexy Beast et Birth. Mais ce n’est qu’en 2013 que sa carrière connaît une ascension fulgurante avec le multiprimé Under the Skin. Puis, tout s’arrête. Le réalisateur à son apogée disparaît des radars, ne livrant plus que quelques courts-métrages mystérieux, continuant de refléter l’ampleur de son talent.

Ce n’est que dix ans plus tard que l’ombre derrière la caméra remet le pied à l’étrier en nous proposant une œuvre intense : La Zone d’intérêt. Produit par les célèbres studios A24 (The Lighthouse, Midsommar, Beau is afraid …), le film est l’adaptation du roman éponyme de Martin Amis, auteur focalisé sur les excès de la société occidentale capitaliste.

La Zone d’intérêt est un film qui nous plonge dans l’atmosphère sombre et anxiogène d’un camp de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale. Situé dans le complexe d’Auschwitz, l’œuvre explore les interactions entre les prisonniers, les gardes, les officiers nazis et les affres de la nature humaine en période de grands troubles.

L’histoire se déroule principalement du point de vue des membres de la SS, offrant ainsi un regard profondément dérangeant sur leur psyché et leur comportement au sein de cet environnement cauchemardesque. Les personnages sont confrontés à des dilemmes moraux déchirants alors qu’ils naviguent à travers les horreurs de l’Holocauste.

Qu’est-ce que la zone d’intérêt ?

Le titre mystérieux de ce nouveau long-métrage peut évoquer l’intérêt spécifique porté aux camps d’extermination et de concentration. Mais, le terme « zone d’intérêt » présente une vraie signification historique.
Une zone d’intérêt désigne, dans le langage du nazisme, la zone de 40 km² entourant le camp d’Auschwitz, en Pologne. Et c’est ici que repose la puissance et la singularité du film qui nous emporte non pas au cœur des camps, mais au cœur de ces zones habitées par les officiers.

Ici, la maison de la famille Höss est littéralement adossée aux murs du camp. La vie idyllique des Höss contraste ainsi violemment avec l’horreur du quotidien des détenus.

Qui est Rudolf Höss ?

L’officier supérieur Rudolf Höss dépeint dans La Zone d’Intérêt n’est pas un personnage de fiction. Officier nazi allemand, Höss occupe le poste de commandant du camp de concentration d’Auschwitz. Il s’agit de l’un des camps les plus tristement célèbres dans le monde. Né en 1900 en Allemagne, Höss s’est engagé très jeune dans les rangs nazis et gravi rapidement les échelons.

En 1940, on le nomme commandant d’Auschwitz. Il devient l’un des principaux architectes de l’Holocauste. Sous sa direction, le camp se transforme en un centre de mise à mort industrielle. On assassine des millions de personnes dans des chambres à gaz et par d’autres moyens barbares.

Après la guerre, il est capturé par les forces alliées et jugé lors du procès de Nuremberg. On le reconnaît coupable de crimes de guerre. À cela s’ajoutent les mentions de crimes contre l’humanité et de génocide, et est exécuté par pendaison en 1947.

Jonathan Glazer décide d’aborder ce personnage par le biais de sa vie personnelle. Son équilibre familial et ses moments de quiétude contrastent avec l’horreur de ses missions et de son implication dans la machine génocidaire. Nous assistons à ce double réalité qui démontre toute l’horreur du geste. Un geste d’une violence inouïe n’impactant nullement la paisible vie des bourreaux.

Nous faisons face à la banalité du mal telle que théorisée par Hannah Arendt dans sa publication Rapport sur la banalité du mal.  Le mal peut surgir non seulement des actions des personnes explicitement malveillantes, mais aussi de la complaisance, de l’indifférence et de la soumission aveugle à l’autorité.

Un point de vue original et dérangeant dans zone d’intérêt

La Zone d’intérêt nous offre une exploration du malaise et de l’impensable au-delà des barbelés et des murs des camps. À travers une mise en scène magistrale et une narration intense, le film nous plonge au cœur de l’horreur et de la complexité morale qui caractérisent cette époque inhumaine de la grande épopée de l’Homme.

En revisitant la vie de Rudolf Höss, Glazer nous confronte à la dualité dérangeante entre la banalité apparente de la vie quotidienne et l’horreur inimaginable des actes commis. Cette approche nous rappelle de la nécessité de se souvenir et de réfléchir aux conséquences de l’indifférence et de cette fameuse soumission.

Le film nous met au défi de reconnaître que le mal peut surgir même des actions les plus routinières. Il en va aussi des actions semblant insignifiantes. On souligne ainsi l’importance de la responsabilité individuelle et de la vigilance éthique dans la préservation de la dignité humaine.

Clara Sebastiao, rédactrice et intervenante culture

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