L’élargissement de la CEE, Communauté Économique Européenne, reste une des étapes marquantes de la construction européenne.
L’allocution de George Pompidou
Une volonté d’aborder l’élargissement de la CEE
Le 21 avril 1972, le Président de la République française, George Pompidou, présente une allocution aux Français en vue du référendum sur l’élargissement de l’Europe.
Ce projet vise à intégrer la Grande-Bretagne, le Danemark, l’Irlande et la Norvège aux dix nations composant la Communauté européenne.
Comprendre le contexte de cette allocution
Au moment de l’allocution, George Pompidou est en place depuis trois ans. Son mandat s’inscrit dans la continuité de celui de Charles de Gaulle, lequel a quitté ses fonctions trois ans plus tôt, après l’échec du référendum relatif à la création de régions et à la rénovation du Sénat. La Communauté européenne est entrée en vigueur à la suite du traité de Bruxelles de 1965.
Cette organisation englobe la Communauté de l’énergie atomique (Euratom), la Communauté européenne du charbon et de l’acier (CECA), et la Communauté économique européenne (CEE). Le référendum permet au Président de la République de soumettre au peuple un projet de loi afin d’autoriser la ratification d’un traité. Il s’inscrit à un moment décisif pour la France, divisée depuis mai 1968, au sein d’une Europe engagée dans un processus d’unification, et dans un monde bipolaire.
Se prononcer en faveur de l’élargissement ?
À travers cette courte allocation, le président de la République souhaite convaincre les Français de se prononcer en faveur de l’élargissement. Si celui-ci présente le fait d’ouvrir le marché commun à quatre nouveaux pays comme une nécessité, il ne manque pas d’insister sur la difficulté d’une telle initiative
Une intégration motivée par la volonté de puissance
Dans son allocution, George Pompidou insiste sur la nécessité d’un tel élargissement. Cette volonté s’inscrit dans le processus d’unification de l’Europe commencé en 1948. D’abord axée sur les échanges du charbon et de l’acier entre six pays, la communauté a engagé un élargissement de son champ d’action et du nombre de ses adhérents avant 1972. En plus de préserver la paix, les membres de la communauté souhaitent peser sur la scène internationale.
Les points clef sont rappelés par George Pompidou : une nécessité politique, économique et monétaire. Plus tard dans son allocution, il ajoutera la nécessité sociale d’une telle décision. Par ailleurs, le début des années 1970 marque la fin des trente glorieuses, caractérisé par une forte croissance économique, et une élévation du niveau de vie. Ouvrir de nouveaux marchés semble être une nécessité pour prendre en marche le train de la mondialisation.
Ce défi politique, économique et monétaire est d’autant plus grand au regard des particularités de chaque pays européen et du contexte historique.
Une initiative inédite au regard de l’Histoire
Au-delà de la nécessité économique, intégrer la Grande-Bretagne est symboliquement fort. Le président ne mentionne d’ailleurs pas une seule fois les trois autres pays susceptibles d’intégrer la communauté. Au regard des mille dernières années, la Grande-Bretagne est une « ennemie héréditaire » de la France. Bien que cette rivalité ait réellement pris fin dès le XIXe siècle, le fait que ces deux puissances collaborent au sein d’une même communauté représente un cap majeur.
En effet, la stratégie historique de la Grande-Bretagne consiste à briser les hégémonies au sein du vieux continent – comme ce fut le cas avec l’Espagne au XVIe siècle, la France de Louis XIV ou de Napoléon, ou encore le IIIe Reich – et de se tenir loin des intrigues politiques, sauf pour commercer. Cependant, l’Allemagne de l’Ouest avait intégré le projet européen trois ans seulement après la Seconde Guerre mondiale, déjouant cette même logique.
Une entreprise politique risquée pour la CEE
L’initiative du président de soumettre un référendum au Français est risquée. Bien qu’il n’ait pas engagé sa responsabilité à la suite du vote, l’issue du scrutin pourrait déstabiliser le pouvoir et les institutions en place. Trois ans plus tôt, le Général de Gaulle avait quitté ses fonctions à la suite du référendum relatif à la création de régions et la rénovation du Sénat. En 1972, la fracture au sein de la classe politique est bien présente.
Les partis de gauche appellent à voter non et la participation au vote reste faible tout d’abord, face à la volonté de l’élargissement de la CEE… Si le président ne manque pas de rappeler le désir naturel de chaque pays à préserver ses intérêts particuliers, le plan Marshall initié à la suite de la Seconde Guerre mondiale permet bel et bien au États-Unis de rendre l’Europe partiellement dépendante en vue de la reconstruction. Par ailleurs, l’OTAN, dont fait partie la France, fait des États-Unis, la figure de proue du bloc de l’Ouest et annihile toute volonté d’émancipation de l’Europe.
Une entreprise politique risquée pour l’élargissement de la CEE
Malgré tout, l’initiative du président de soumettre un référendum au Français est risquée. Bien qu’il n’ait pas engagé sa responsabilité à la suite du vote, l’issue du scrutin pourrait déstabiliser le pouvoir et les institutions en place. Trois ans plus tôt, le Général de Gaulle avait quitté ses fonctions à la suite du référendum relatif à la création de régions et la rénovation du Sénat. En 1972, la fracture au sein de la classe politique est bien présente.
Les partis de gauche appellent à voter non et la participation au vote est faible.
Si le président ne manque pas de rappeler le désir naturel de chaque pays à préserver ses intérêts particuliers, le plan Marshall initié à la suite de la Seconde Guerre mondiale permet bel et bien au États-Unis de rendre l’Europe partiellement dépendante en vue de la reconstruction. Par ailleurs, l’OTAN, dont fait partie la France, fait des États-Unis, la figure de proue du bloc de l’Ouest et annihile toute volonté d’émancipation de l’Europe.
La fin de l’allocution en faveur de l’élargissement de la CEE
Enfin, à la fin de son allocution, George Pompidou insiste sur le fait qu’il s’agit du choix des Français. Si dans les faits, ils avaient bel et bien la maîtrise de leur destin, le Référendum sur le traité établissant une constitution pour l’Europe de 2005, où le non l’avait emporté, montre l’attachement de ces derniers à leur constitution au dépens des traités internationaux.
Le Traité de Lisbonne de 2007, transformant les institutions de l’Union européenne, avait ainsi été vécu comme une remise en cause de leur décision antérieure. Cette contestation de la volonté populaire est à l’origine de l’affaiblissement des institutions européennes. Le point de rupture sera le retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, à la suite du Brexit de 2016.
Alexis Saunier, chercheur et rédacteur en géopolitique