La négation pendant la question de grammaire

La négation se traduit par un phénomène sémantique qui se réalise sous une forme lexicale ou syntaxique. La négation implique que le discours soit forcément faux par rapport à la réalité.  On nie donc une affirmation. La négation porte ainsi sur le verbe, un groupe nominal ou une proposition secondaire. Cette notion de grammaire doit être maîtrisée par les élèves passant l’épreuve orale du baccalauréat de français cette année.

Première étape : distinguer la négation syntaxique de la négation lexicale

La richesse de la langue française permet d’exprimer une idée négative de différente façon. La plus reconnaissable et celle que les étudiants devront le plus traiter est la négation syntaxique. Toutefois, il existe une autre forme de négation, la négation lexicale, qui porte sur une phrase affirmative positive exprimant une idée valant la négation.

La négation syntaxique et sa construction grammaticale

D’abord, la phrase négative s’exprime de deux façons différentes. La composition la plus reconnaissable demeure l’écriture par la négation syntaxique. Dans ce cas, elle se construit à l’aide de l’adverbe de négation « ne » ainsi que d’un pronom négatif, d’un adverbe ou d’un déterminant négatif.

Exemples de phrases négatives syntaxiques :

  • « Je ne sais pas où nous allons »
  • « Je n’en reviens pas que tu lises autant ! »
  • « Ne devrions-nous pas nous coucher plus tôt ? » (Attention, il s’agit ici d’une phrase interro-négative)

Lorsque la phrase négative est syntaxique, elle se compose de deux éléments de négation. Le premier, essentiel dans tous les cas de figure, est l’adverbe atone de négation « ne ». Cet adverbe se situe toujours à la gauche du verbe. Ensuite, un second élément de négation vient s’ajouter dans la phrase.

Plusieurs cas de figure existent alors :

  • Si la négation porte sur le verbe : ajout d’un deuxième adverbe de négation (pas, plus, guère, jamais, etc.). Exemple : On n’en avait guère goûté auparavant.
  • Si la négation porte sur un groupe nominal : qu’il soit sujet ou complément, on emploi « ne » ainsi qu’un déterminé négatif (aucun, nul) ou un pronom négatif (personne, rien). La position du second élément de négation dépend de sa nature. Exemple : « Personne n’avait vu l’oiseau bleu » / « Je ne vois rien de ce qu’il dit ».

On dit de ce type de négation qu’elle est fermée. Il existe cependant un cas particulier qu’on appelle la négation restrictive, dite ouverte, qui sera traitée dans la partie dédiée.

Le cas de la négation lexicale : un sens négatif dans une phrase affirmative

Seulement, la négation peut être présente également de façon lexicale. Cela signifie qu’on ne retrouvera pas de mots de négations comme dans une construction syntaxique. En effet, le lexique lui-même devient porteur de la négation. Attention : la phrase est alors affirmative, mais elle porte un sens négatif. Dans ce cas, l’auteur fait appel aux antonymes, aux préfixes négatifs ou encore à la préposition « sans ».

Exemples de phrases négatives syntaxiques réécrites en négations lexicales :

Négation syntaxiqueNégation lexicale
Elle n’a pas voulu l’admettre. Tu ne connais rien de cette personne. Il n’a pas eu d’aide des autres.Elle a refusé de l’admettre. Tu ignores tout de cette personne. Il l’a fait seul/sans aide des autres.

Généralement, l’étude demandée pour la question de grammaire au baccalauréat de français porte sur les négations syntaxiques, mais il est bon de connaître cette distinction très utile pour la transformation en phrase positive par exemple.

La négation est-elle totale, restrictive ou partielle ?

La dernière étape d’analyse de la phrase consiste alors à comprendre la portée de la négation sur la phrase. En effet, lorsque la négation est syntaxique, elle influence soit toute la phrase, soit un segment de cette dernière.

Lorsque la négation dans la phrase est totale

La phrase négative se présente comme totale, restrictive ou partielle. Lorsque la négation est totale, elle porte sur la proposition entière. Grammaticalement, elle est reconnaissable par sa structure en « ne » + « pas, plus, point, etc. ».

Exemple : « Il ne souhaite pas t’écouter. »

Astuce : Dans ce cas, la phrase traduit une opposition avec son double positif. Cela signifie que si nous posons une phrase interrogative totale, la réponse est équivalente à un oui ou un non. Appliqué à notre exemple, cela donne : « Veut-il bien m’écouter ? » « Non, il ne souhaite pas t’écouter ». 

Qu’est-ce qu’une négation partielle ?

La négation partielle ne porte que sur une partie de la négation, contrairement à la négation totale. Elle s’exprime à l’aide de l’adverbe « ne » + un mot négatif qui identifie le constituant visé. Les options sont donc adverbe « ne » + pronom négatif « personne, rien » ou adverbe « ne » + déterminant négatif « aucun ».

Quelques exemples :

  • « Personne n’est venu à son anniversaire. »
  • « Aucun des invités n’a su l’aider avec ses fiches de révisions. »

Le cas de la négation restrictive/exceptive

La négation restrictive, également appelée exceptive, se compose également de deux éléments. Cependant, cette négation n’est pas fermée. Cette forme de phrase n’est pas véritablement une négation. Elle est dite restrictive (ou exceptive) car elle restreint le champ des possibles à ce qui suit le « que ». Cette locution pourrait d’ailleurs être remplacée par « seulement » ou par « uniquement ». Les deux éléments de négation entretiennent un lien de corrélation traduisible par « rien – sauf/hormis ».

Exemple déconstruit :

  • exemple de phrase : « Benjamin n’aime que les romans de science-fiction. » ;
  • équivalent : « Benjamin n’aime rien hormis les romans de science-fiction. » ;
  • équivalent sous la forme de phrase affirmative : « Benjamin aime seulement les romans de science-fiction (et rien d’autre). »

Si le cas se présente à l’épreuve du bac, il faudra penser à donner la fonction du « que » dans la phrase négative :

  • complément d’objet : « Il ne pense qu’à elle. » ;
  • attribut du sujet : s’il est attribut du sujet, il implique le plus souvent que le sujet occupe une place moindre sur une échelle « Il n’est que blessé. » (= il aurait pu être mort) ;
  • complément circonstanciel : « Ce magasin ne ferme que le dimanche. » ;
  • complément de présentatif : « Il n’y a que lui qui me comprenne. » ;

Mise en garde : il arrive qu’un autre élément de négation vienne se combiner à la locution « ne… que ». Il annule alors le procédé d’exception et rétablit les autres possibilités. Par exemple « Benjamin n’aime pas que les romans de science-fiction. » Signifie que le garçon aime aussi d’autres sortes de livres (voire d’activité). Ce genre de construction peut même amener une certaine critique ou ironie. Cette construction nécessite une analyse approfondie.

Le tableau récapitulatif sur les différentes négations :

Négation totaleNégation partielleNégation restrictive/exceptive
Porte sur l’ensemble de la proposition.Porte sur un segment de la proposition.Exclus des éléments de sa grille des possibles.
Corresponds à une réponse en « oui » ou « non ».Porte sur un élément défini de la phrase grâce au second élément de négation (qui est porteur de sens).Ne représente pas une négation en soi et prends une fonction dans la phrase.
« ne » + « pas », « plus »« ne » + « personne », « aucun », « rien »« ne… que »

Les cas particuliers à traiter avec précaution

Quelques cas particuliers peuvent se présenter lors de l’analyse de la négation dans une phrase. Parmi les éléments à surveiller, nous comptons l’analyse de la négation totale qui peut passer pour partielle ainsi que l’utilisation du « ne » explétif.

Les pièges à éviter dans l’analyse de la négation totale

Attention, certaines négations totales semblent, de prime abord, partielles puisqu’elles n’affectent qu’un constituant particulier de la phrase. Elles sont cependant totales. Pour analyser ces négations totales, il faut nécessairement s’intéresser aux différents groupes de mots et à leur fonction dans la phrase.

Par exemple, quand un verbe est suivi d’un complément circonstanciel ou d’un complément d’objet, la négation ne porte pas sur le verbe, mais sur l’élément qui suit le verbe. Dans le cas où plusieurs constituants s’accumulent, on estime raisonnablement que la négation porte sur le dernier élément de la liste. Le premier élément semble alors présupposé.

Voici un exemple de négation totale sur laquelle il faut rester attentif :

  • « Il ne l’a pas coupée avec ce couteau. » : je présuppose qu’il l’a coupée (la pomme par exemple) ; mais pas avec ce couteau (élément de négation appliqué à ce complément)
  • « Il ne l’a pas coupée avec ce couteau pour toi. » : je présuppose toujours qu’il a coupé la pomme, cette fois-ci je pense également qu’il l’a coupée avec ce couteau (1er complément), mais il ne l’a pas fait pour « toi » (2d complément auquel s’applique la négation).

Ce type de négation amène vite à une interprétation qui peut être différente selon les personnes et les contextes. Elles restent néanmoins des négations totales. Pour différencier de la négation partielle, il faut penser aux éléments qui insèrent la négation. Le contexte peut également aider à définir s’il s’agit d’une phrase négative totale ou partielle. Si le cas de figure se présente, il ne faut pas hésiter à défendre son point de vue en proposant votre propre analyse de la phrase.

Le cas particulier du « ne » explétif ou l’élément de négation « positif »

Certains verbes qui expriment notamment la crainte ou le doute, ainsi que certaines conjonctions permettent d’utiliser un « ne » qui n’est pas une négation. Son utilisation facultative montre plutôt un niveau de langage soutenu et le sens de la phrase ne changerait pas sans lui. On dit alors qu’il s’agit d’un « ne » explétif.

Exemples :

  • « Je crains qu’il ne vienne. » Attention à l’analyse de cette phrase. Ici le sens est bien la crainte de la venue d’une personne ;
  • « Je le ferai avant qu’il ne parte. ».

Quelques transformations syntaxiques à maîtriser dans la phrase négative

 Lorsqu’on s’attaque à la question de la négation, il est nécessaire de prendre garde aux petites transformations qui ont lieu dans la phrase. Elles devraient d’ailleurs faire partie de votre analyse, selon la question posée par l’examinateur, lors de l’oral du bac de français. Quelles sont ces transformations ?

Les transformations autour de la phrase négative dans la phrase

Premièrement, les conjonctions de coordination « et » et « ou » dans une phrase négative sont remplacées par « ni ». Il se positionne à la fois entre les termes coordonnés et avant le premier mot ou groupe de mots coordonnés. On ne peut pas écrire « Il n’aime le rouge et le vert », ni « il n’aime ni le rouge et le vert », mais bien « il n’aime ni le rouge ni le vert ».

Attention également au déterminant du complément d’objet direct qui se change souvent en « de » lorsqu’une phrase passe à la forme négative. C’est le cas par exemple ici : « Lucas amène des gâteaux./Lucas n’amène pas de gâteaux. »

Autre point à surveiller : le « ne » peut se trouver, dans certaines situations, seul. Seul, il concurrence la forme « ne… pas » qui peut être rétablie (sauf dans les locutions figées). Il se trouve souvent après un « si » hypothétique (« Si je ne me trompe. ») Ou après certains verbes d’aspect ou de modalité + infinitifs comme cesser, oser, pouvoir, savoir (« Je ne saurais dire. »). Il arrive également qu’il disparaisse dans la langue orale sans raison apparente. Cette construction est fautive et marque un niveau de langage plutôt familier, voire vulgaire.

À propos de l’emploi des mots négatifs

Il est bon de penser au cas du « non » qui constitue à lui seul la négation d’une phrase entière. Il peut constituer une phrase à lui seul. On l’appelle alors un mot-phrase négatif. Sinon, il peut être renforcé par un adverbe comme « certainement », « sûrement », « vraiment » ou par des interjections comme « ma foi ! » « ah ça ! », etc. Sinon, il peut lui-même servir de renforcement lorsqu’il se situe en début de phrase ou en fin de phrase (et dans ce cas il remplace l’expression « n’est-ce pas ? »).

Il peut ensuite être possible d’apporter une information complémentaire lorsqu’on se trouve confronté aux termes « guère » ou « plus » comme élément de négation. En effet, « guère » indique une quantité minime (ex : « Il n’aime guère les épinards. » Que l’on peut comprendre comme « il n’aime pas beaucoup les épinards. ») Alors que « plus » marque une cassure entre avant et après. (ex : « Il n’aime plus les épinards. » qui s’entend comme « il a aimé les épinards par le passé. »).

Comment analyser ce type de phrase lors de l’épreuve orale ?

Lors de l’épreuve orale, l’examinateur demande à l’étudiant de maîtriser l’analyse de la construction d’une phrase négative. Vous devrez alors expliquer s’il s’agit d’une négative lexicale ou syntaxique, puis la portée de la négation (totale, partielle ou restrictive). Vous mettez ensuite en avant la construction de la négation en indiquant si elle est double ou simple et en donnant la nature (et la fonction si nécessaire) des éléments de négation.

Mise en pratique n°1 : Analyser la négation dans l’extrait de « Des cannibales », tiré des Essais de Montaigne, « Je ne suis pas marri que nous remarquions l’horreur barbaresque qu’il y a en une telle action. »

Tout d’abord, nous pouvons dire que cette phrase est négative par sa construction syntaxique. En effet, les deux adverbes de négation « ne » sous la forme d’un « n » apostrophe ainsi que « pas ». Ensuite, nous pouvons affirmer que la négation est totale puisqu’elle porte sur l’ensemble de la phrase. Si plusieurs propositions composent l’ensemble de la phrase, aucun élément n’exclut la négation.

Mise en pratique n°2 : Analyser la négation dans l’extrait de Stendhal tiré dans Le rouge et le noir « Mon Dieu ! être heureux, être aimé, n’est-ce que ça ? »

L’analyse de cette phrase nous amène à penser qu’il s’agit d’une interro-négation syntaxique restrictive. Elle est syntaxique puisqu’elle comporte deux éléments de négation et interrogative puisque nous constatons qu’il y a une inversion sujet-verbe et un point d’interrogation. Le premier est l’adverbe « n’ » situé avant le verbe. Le second élément est le pronom « que » qui pose la restriction sur « ça », lui-même pronom faisant référence à « être heureux, être aimé ».

Pour aller plus loin…

Rédaction par Alison de Culture Livresque